L’Union européenne et la Chine sont arrivées à un accord de principe en matière d’investissements le 30 décembre 2020. Cet accord global UE-Chine (AGI) doit encore être signé et conclu par chacune des parties contractantes mais l’importance de la fin des négociations ne peut être que soulignée. L’AGI constitue l’accord sur les investissements le plus ambitieux que la Chine n’ait jamais négocié (les négociations ont duré sept ans), alors que l’Union en a conclu des plus ambitieux avec le Canada et Singapour.
L’AGI vise à établir des règles pour développer le commerce et les investissements entre l’Union européenne et la Chine. Si l’objectif principal est la libéralisation des investissements, les parties fixent des limites d’emblée. L’article 1, paragraphe 2, de la section I de l’accord réaffirme le droit de légiférer pour atteindre des objectifs légitimes. De manière inhabituelle, la protection de la santé est énoncée en premier lieu parmi les intérêts pouvant être invoqués. La protection de l’environnement inclut, de manière explicite, la lutte contre le changement climatique. La liste non-exhaustive d’intérêts publics comprend également la protection des données personnelles et de la vie privée.
En matière de libéralisation des investissements, l’AGI vise essentiellement à faciliter l’accès au marché des investisseurs européens en Chine (section II). L’accord élimine des restrictions quantitatives et introduit des exigences en matière de coentreprise dans un certain nombre de secteurs. L’AGI introduit des règles relatives aux entreprises publiques, en les obligeant à se comporter conformément à des considérations commerciales et en leur interdisant toute forme de discrimination.
L’AGI inclut un chapitre en matière d’investissement et développement durable (section IV). Comme dans les accords commerciaux négociés par l’Union européenne, ce chapitre inclut des dispositions en matière d’environnement et de travail. S’agissant de la protection de l’environnement, les parties s’engagent, à la sous-section 2, article 6, à mettre en œuvre la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris. Les engagements sont moins ambitieux en matière de droits des travailleurs. Le chapitre comprend essentiellement des références aux conventions fondamentales de l’OIT. L’accord signale, toutefois, que les droits des travailleurs ne peuvent pas être utilisés à des fins protectionnistes. En cas de différend entre parties contractantes sur le chapitre de développement durable, l’AGI introduit un mécanisme de règlement de différends basé sur des consultations suivies par la création d’un panel d’experts. La participation des tiers est assurée par la possibilité d’introduire des observations écrites dans la procédure du panel d’experts (amicus curiae submissions, sous-section 4, article 6).
S’agissant du mécanisme de règlement de différends général, il est prévu exclusivement entre parties contractantes à la section V de l’AGI. Il comprend des consultations, la médiation et une procédure d’arbitrage. En revanche, l’AGI ne fait aucune référence à la cour multilatérale d’investissements, proposée par l’Union européenne au sein d’UNCITRAL et en cours de négociation. Rappelons que cette cour a été mentionnée dans les accords de protection des investissements négociés par l’Union européenne avec le Canada, le Japon, Singapour et le Vietnam.
L’AGI aurait sans doute pu être plus ambitieux. Il a toutefois le mérite d’octroyer une plus grande sécurité juridique aux entreprises européennes souhaitant investir en Chine. En tant que premier accord sur la protection des investissements entre l’Union européenne et la Chine, l’AGI peut en outre servir de base pour des développements futurs. Si la fin des négociations est une étape importante, la procédure de conclusion est cependant loin d’être achevée. L’AGI devra être approuvé par le Parlement européen, en vertu de l’article 218, paragraphe 6, TFUE. Si l’on s’en tient à la résolution adoptée le 26 novembre 2020 condamnant la violation de droits humains par la Chine, il est fort possible qu’une partie du Parlement européen s’oppose à l’accord. L’avenir nous le dira.
Elisabet Ruiz Cairó, Accord global UE-Chine sur les investissements : entre libéralisation et intérêts publics, actualité du CEJE n° 1/2021, disponible sur www.ceje.ch