Le coronavirus COVID-19 a un impact humain et économique évident. L’Union européenne a adopté des mesures pour y faire face dès février à l’épidémie dès janvier 2020 (voir notre première actualité sur ce sujet). Toutefois, le nombre d’actions entreprises a fortement augmenté ces derniers jours. Elles visent des domaines aussi divers que les aides d’État, la politique économique et monétaire, le marché intérieur ou les transports. La politique commerciale commune (art 207 TFUE) a également été utilisée comme moyen pour lutter contre le COVID-19.
La Commission européenne a soumis, le 14 mars 2020, à autorisation l’exportation d’équipements de protection faciale, vêtements de protection et gants, qui sont indispensables pour enrayer la propagation de la maladie et protéger la santé du personnel médical. Cette mesure a été introduite dans le règlement d’exécution 2020/402, qui met en œuvre le règlement 2015/479 relatif au régime commun applicable aux exportations. L’adoption du règlement d’exécution n’empêche pas toute exportation de matériel de protection individuelle puisque les autorités doivent examiner si ladite exportation est destinée à répondre aux demandes d’assistance du mécanisme de protection civile de l’Union dans des pays tiers, à soutenir les activités du Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie de l’OMS, à approvisionner les délégations de l’Union et les ambassades des États membres, ou à assurer les opérations d’États membres à l’étranger, entre autres (art. 2, par. 3). Dans ces cas-là, l’exportation d’équipements de protection individuelle serait vraisemblablement autorisée. Le règlement d’exécution 2020/402 a déjà été modifié, le 19 mars 2020, avec l’adoption du règlement d’exécution 2020/426 qui exclut du système d’autorisation à l’exportation les pays de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse), les pays et territoires d’outre-mer, les Îles Féroé, Andorre, Saint-Marin et la Cité du Vatican. Pour ces pays et territoires, le système d’autorisation n’est pas applicable compte tenu de l’intégration étroite du marché unique des équipements de protection médicale et individuelle existante entre l’Union et ces territoires. En revanche, cet instrument exige, en contrepartie, que les territoires concernés adoptent des mesures similaires à celles introduites par le règlement d’exécution 2020/402 quant à leurs propres exportations. La Commission européenne a publié une note d’orientation pour faciliter l’application de ces deux règlements d’exécution par les États membres.
La Commission européenne a aussi adopté, le 25 mars 2020, un document sur l’utilisation des mécanismes de filtrage des investissements dans la lutte contre le COVID-19, en conformité avec le nouveau règlement 2019/452 sur le filtrage des investissements. L’Union européenne craint que la situation actuelle encourage des investisseurs à acquérir des infrastructures du secteur de la santé, ce qui pourrait atteindre la capacité de l’Union à faire face à l’épidémie du COVID-19. Dans son document du 25 mars 2020, la Commission européenne demande aux États membres d’utiliser leurs mécanismes de filtrage des investissements pour faire face aux risques existants dans le secteur de la santé et encourage les États membres qui n’ont pas de mécanisme de filtrage pour l’instant d’en mettre un en place. La Commission européenne rappelle que le nouveau règlement sur le filtrage des investissements permet aux États membres de limiter des investissements lorsqu’ils peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou à l’ordre publique ce qui, selon la Commission européenne, comprend des raisons de santé publique. Enfin, ce document se penche sur les investissements de portefeuille, lesquels n’entrent pas dans le champ d’application du règlement 2019/452. Elle affirme que le filtrage de ce type d’investissements doit se faire en conformité avec les dispositions des traités sur la libre circulation des capitaux, lesquelles s’appliquent également aux relations avec les États tiers. Les atteintes à cette liberté pourraient être justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.
La Commission européenne a, enfin, revu les procédures d’enquête en matière antidumping et antisubventions pendant la durée de l’épidémie du COVID-19. Dans un avis rendu le 16 mars 2020, la Commission européenne affirme que l’épidémie a une incidence sur les vérifications sur place et sur les délais des procédures. Si les règlements antidumping et antisubventions prévoient la possibilité d’effectuer des visites pour vérifier des renseignements, l’avis du 16 mars 2020 suspend tous les déplacements non essentiels dans les zones touchées et reporte toutes les réunions en face-à-face avec des visiteurs en provenance de ces zones. La Commission devra, dès lors, prendre en compte uniquement les informations fournies par les parties, lesquelles devront être plus détaillées que d’habitude, et les faits avérés figurant au dossier de l’enquête. Du fait de l’impact des mesures adoptées pour lutter contre le COVID-19 sur l’exercice des activités commerciales, la Commission européenne a également décidé de prolonger de 7 jours les délais de réponse aux questionnaires envoyés dans le cadre d’enquêtes en matière de défense commerciale. Pour que cette prolongation soit accordée, les parties doivent expliquer comment les mesures liées au COVID-19 adoptées dans leur territoire affectent leur capacité de fournir les informations requises. Cette prolongation des délais peut aller au-delà des 7 jours si la zone dans laquelle est situé l’opérateur économique est touchée par une période de quarantaine ou des fermetures d’usine obligatoires.
Les mesures adoptées ces derniers jours en matière de politique commerciale soulignent que, face à une crise sans précédent, l’Union européenne est prête à limiter ses relations commerciales pour protéger la santé des citoyens européens. Si des restrictions au commerce avaient déjà été introduites dans le passé pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, c’est bien la première fois que des raisons de santé publique justifient des mesures de cette proportion. Ces développements révèlent aussi que la politique commerciale de l’Union européenne peut être au service de la lutte contre le COVID-19 et que la Commission européenne se dispose à agir sur tous les fronts pour mettre un terme à cette pandémie.
Elisabet RUIZ CAIRÓ, La politique commerciale commune comme instrument pour lutter contre le COVID-19, actualité du CEJE n° 12/2020, disponible sur www.ceje.ch