Dans un arrêt de grande chambre du 25 octobre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a clarifié la notion de politique commerciale commune, notamment en ce qui concerne les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle.
Cet arrêt a été rendu dans l’affaire C-389/15 Commission c. Conseil et concerne l’arrangement de Lisbonne révisé sur les appellations d’origine et les indications géographiques. Il s’agit d’un accord international visant à protéger les appellations d’origine des produits des parties contractantes. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une décision d’ouverture des négociations fondée sur l’article 114 TFUE, en matière de rapprochement des législations. Toutefois, la Commission européenne considère que l’article 207 TFUE, sur la politique commerciale commune, constituait la base juridique adéquate.
L’importance de la base juridique est mise en avant par l’article 5 TUE, qui établit le principe d’attribution des compétences, et a été soulignée à de nombreuses reprises dans la jurisprudence. Il s’agit d’une question primordiale étant donné que, comme dans le cas d’espèce, cela peut avoir des répercussions sur la nature de la compétence pour négocier et conclure l’accord international ainsi que sur le rôle du Parlement européen tout au long de la procédure.
La Cour de justice va donc déterminer, dans cet arrêt, si le projet d’arrangement révisé relève ou non du domaine de la politique commerciale commune. Elle signale que « les engagements contractés par l’Union en matière de propriété intellectuelle relèvent de la politique commerciale commune s’ils présentent un lien spécifique avec les échanges commerciaux internationaux en ce qu’ils sont essentiellement destinés à promouvoir, faciliter ou à régir ces échanges et ont des effets directs et immédiats sur ceux-ci » (point 49). Ayant rappelé cette définition, la Cour de justice va réaliser une analyse en deux temps consistant à vérifier, d’abord, si la finalité du projet d’arrangement est de promouvoir les échanges commerciaux entre l’Union et des États tiers, puis à examiner si l’accord a des effets directs et immédiats sur de tels échanges.
Concernant la finalité du projet d’arrangement, la Cour admet qu’il met en place un système d’enregistrement international des appellations d’origine protégées dans un des États parties, ce qui permet leur protection dans tous les autres États. Cependant, ceci n’est qu’un « moyen au service d’une finalité consistant à développer loyalement les échanges commerciaux entre les parties contractantes » (point 60). De ce point de vue, le but du projet d’arrangement est bien de favoriser le commerce entre parties contractantes.
S’agissant des effets du projet d’arrangement, il dispense les fabricants de l’obligation « d’avoir à déposer une demande d’enregistrement des appellations d’origine et des indications géographiques qu’ils utilisent auprès des autorités compétentes de chacune des parties contractantes » (point 70). De ce fait, le futur accord aura un effet direct et immédiat sur les échanges commerciaux entre l’Union et les autres parties contractantes.
Cette analyse mène la Cour à conclure que la négociation du projet d’accord relève de la compétence exclusive de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune en accord avec les article 207, paragraphe 1, TFUE et 3, paragraphe 1, TFUE.
En l’absence d’une définition claire de ce qu’est la politique commerciale commune, il faut saluer cet arrêt qui développe un des volets constitutifs de cette politique, à savoir, les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle. Suite aux quelques éléments de réponse donnés par la Cour de justice dans l’arrêt Daiichi, dans l’avis 2/15, ainsi que dans l’avis 3/15, cet arrêt s’inscrit dans cette évolution jurisprudentielle.
Elisabet Ruiz Cairó, "Une clarification supplémentaire de la notion d’ « aspects commerciaux de la propriété intellectuelle », actualité du 1er décembre 2018, disponible sur www.ceje.ch