Le 4 février 2020, un protocole a été conclu entre l’Union européenne, la Confédération Suisse, et la Principauté de Liechtenstein à l’accord entre la Communauté européenne et la Suisse « relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile introduite dans un État membre ou en Suisse, concernant l’accès à Eurodac à des fins répressives ».
Avec l’entrée en vigueur de ce protocole la Suisse et le Liechtenstein participeront aux volets répressifs d’Eurodac et pourront demander la comparaison de données dactyloscopiques avec celles transmises au système central d’Eurodac par les autres États participants. L’accès à ces données est donc étendu aux autorités de poursuite pénale.
Avant la révision du règlement Eurodac à des fins répressives, l’accès aux données était limité au domaine de l’asile pour les États participants, dont la Suisse. Les autorités nationales des États participants pouvaient seulement consulter et faire une demande de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile, collectés par Eurodac, afin d’éviter que la demande d’asile ne soit déposée dans plusieurs États de l’espace Dublin. L’objectif est garanti par le règlement Eurodac (règlement n°603/2013) qui complète la mise en œuvre du règlement Dublin (règlement n°604/2013), afin d’établir l’identité des demandeurs d’une protection internationale et les personnes qui essaient d’y rentrer illégalement. Ainsi, l’État où a été introduite une demande d’asile est responsable de garantir son processus entier et la décision.
Les règlements Dublin et Eurodac sont mis en relation car le lien entre les demandeurs d’asile et la lutte contre la criminalité existe dans la mesure où les autorités nationales pourraient avoir accès à Eurodac si elles justifient que « l’auteur d’une infraction terroriste ou d’une autre infraction pénale grave a demandé une protection internationale ». Cependant, après la révision du règlement Eurodac, les nouvelles dispositions relatives à l’accès des autorités de poursuite pénale ne s’appliquaient pas automatiquement à la Suisse et au Liechtenstein, car ces dernières ne constituent pas le développement de l’acquis Dublin, d’où la nécessité de conclure un protocole. Désormais, les autorités suisses et liechtensteinoises de poursuite pénale peuvent accéder aux données d’Eurodac, donnant la possibilité aux autorités désignées d’obtenir une autorisation d’enquête s’il existe une détection d’infractions terroristes ou pénales graves (article 5 du Règlement Eurodac).
L’accès aux autorités suisses et liechtensteinoises de poursuite pénale est stricte et ne devrait être autorisé que si le système d’information sur les visas, ainsi que les bases de données nationales et les systèmes automatisés de tous les États participants n’ont pas permis de déterminer l’identité de la personne concernée (article 20 du règlement Eurodac). Par ailleurs, dans des cas d’urgence exceptionnels, c’est-à-dire lors de danger imminent lié à une infraction terroriste ou pénale grave, il y a la possibilité de transférer immédiatement les données dès la réception de la demande, et la procédure de vérification se fait a posteriori en vérifiant également si c’était un cas d’urgence exceptionnel (article 19 du règlement Eurodac).
Le protocole n’entrera en vigueur que lorsque la Suisse aura mis en œuvre de manière exhaustive les « décisions Prüm » (décision 2008/615/JAI et décision 2008/616/JAI) « relative à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière ». Il s’agit de mettre en œuvre les dispositions relatives à la protection des données et l’application des procédures d’évaluation. La Suisse doit également mettre en œuvre la directive 2016/680« relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes ».
Concernant les finalités de l’utilisation des données (article 26, paragraphe 2, de la décision 2008/615/JAI), elles sont limitées dans la mesure où elles doivent être justifiés et nécessaires dans une société démocratique, afin de protéger un intérêt légitime et proportionné pour ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire par rapport à l’objectif recherché. En effet, cela s’explique par le fait que pour mettre en œuvre l’accès à Eurodac à des fins répressives, les autorités nationales « constituent une ingérence dans l’exercice du droit fondamental au respect de la vie privée des personnes dont les données à caractères personnels sont traitées dans Eurodac ». De ce fait, pour garantir la protection des données à caractère personnel, son utilisation est ainsi encadrée. Si l’utilisation des données est justifiée, les États membres peuvent « déterminer la concordance entre les profils ADN et données dactyloscopiques comparés », « préparer et introduire une demande d'entraide administrative ou judiciaire conformément au droit national, en cas de concordance de ces données » et effectuer une journalisation des informations, conformément à l’article 30 de ladite décision.
Ce protocole souligne une coopération renforcée entre les autorités répressives suisses et liechtensteinoises et les États participants pour la lutte contre la criminalité internationale et le terrorisme en permettant un accès aux informations les plus complètes possibles.
Jessica BELMONTE, Renforcement de la sécurité intérieure avec le nouveau protocole entre la Suisse et l’UE sur l’accès à Eurodac à des fins répressives, actualité du CEJE n°19/2020, disponible sur www.ceje.ch