Dans l’arrêt Venezuela/Conseil (T-65/18 RENV) du 13 septembre 2023, le Tribunal, réuni en grande chambre, a rejeté le recours du Venezuela contre les mesures restrictives imposées par l'Union européenne en raison de la dégradation constante de la situation en ce qui concerne la démocratie, l'état de droit et les droits de l'homme dans ce pays.
Le 6 février 2018, le Venezuela a introduit un recours devant le Tribunal en demandant l'annulation des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement (UE) 2017/2063. Le 20 septembre 2019, le Tribunal a rendu un arrêt dans l'affaire Venezuela/Conseil (T-65/18) dans lequel il a rejeté le recours dans son ensemble comme irrecevable en estimant que le Venezuela n'était pas directement affecté par les mesures restrictives adoptées par le Conseil et qu'il n'avait donc pas qualité pour agir au titre de l'article 263 TFUE.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de justice, réunie en grande chambre, a annulé́ l’arrêt du Tribunal dans un arrêt du 22 juin 2021 Venezuela/Conseil (C-872/19 P), et a renvoyé́ l’affaire devant ce dernier afin qu’il statue au fond. La Cour de justice a considéré qu’un pays tiers peut être considéré comme une « personne morale » au sens de l'article 263, quatrième alinéa, du TFUE. En outre, étant donné que les mesures restrictives en cause produisaient directement des effets sur la situation juridique du Venezuela, et que les dispositions attaquées ne comportaient pas de mesures d’exécution, les conditions prévues à la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFEU étaient remplies.
Dans son arrêt de renvoi, rendu le 13 septembre 2023, le Tribunal, réuni en grande chambre, a rejeté l’ensemble des arguments invoqués par le Venezuela au soutien de sa demande d’annulation des articles 2, 3, 6 et 7 du règlement 2017/2063.
Le Tribunal a estimé que le Venezuela n'avait pas le droit d'être entendu avant l'adoption des mesures restrictives étant donné que ces dernières étaient de portée générale et ne visait pas une personne physique ou morale en particulier. En outre, le Tribunal a fait valoir que l’audition d’un pays tiers, s’apparentant à des négociations internationales avec ce pays, pourrait compromettre la pression exercée sur celui-ci afin d’entraîner une modification de son comportement.
S’agissant de l'obligation de motivation, le Tribunal a jugé que le Conseil avait suffisamment expliqué la situation générale et les objectifs qui sous-tendent l’adoption des mesures restrictives.
En outre, les allégations du Venezuela concernant des inexactitudes factuelles et des erreurs dans l'évaluation de la situation politique ont été rejetées. Pour le Tribunal, le Conseil s'est appuyé sur des informations crédibles et le Venezuela n'a pas réussi à démontrer l'existence d'inexactitudes matérielles.
Enfin, le Tribunal a rejeté les arguments du Venezuela tirés de la violation du droit international. Devant le Tribunal, le Venezuela a soutenu que les mesures restrictives litigieuses constituaient des contre-mesures que l’Union européenne aurait prises afin de riposter aux violations alléguées, par les autorités vénézuéliennes, des principes démocratiques et de la Constitution vénézuélienne. Selon le Venezuela, ces mesures auraient violé le droit international coutumier. A cet égard, le Tribunal a considéré que les mesures restrictives en cause ont été prises dans un contexte de réaction a la détérioration constante de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme au Venezuela et n’avaient pas pour objectif de réagir à un fait internationalement illicite imputable au Venezuela. Partant, elles ne constituaient pas « des contre-mesures » au sens de l’article 49 du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour le fait internationalement illicite. Le Tribunal a également rejeté l’argument du Venezuela selon lequel l’Union européenne ne serait pas compétente pour adopter des mesures restrictives sans l’autorisation préalable du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Ensuite, le Venezuela a fait valoir que l’embargo imposé par l’Union européenne aurait violé les règles de l’OMC. A cet égard, en se référant à la jurisprudence établie de la Cour de justice, le Tribunal a refusé de procéder au contrôle de la légalité des mesures restrictives à la lumière des règles de l’OMC, étant donné que le règlement contesté ne faisait pas explicitement référence aux dispositions de l'OMC et que le Venezuela n'a pas précisé comment l'Union européenne aurait entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC. En dernier lieu, le Tribunal a rejeté l'allégation de la part du Venezuela tirée de l’exercice, par le Conseil, d’une compétence extraterritoriale contraire au droit international. Le Tribunal a souligné que les mesures restrictives litigieuses s'appliquaient aux personnes et aux situations relevant de la juridiction des États membres dans le but d’assurer le respect des principes du droit international, conformément aux objectifs et aux valeurs de l’Union européenne, tels qu’ils figurent à l’article 3, paragraphe 5, TUE et à l’article 21 TUE.
L’arrêt commenté représente la première affaire où le Tribunal a statué sur le fond d’un recours introduit par un État tiers tendant à l’annulation des mesures restrictives adoptées à son encontre. Cette affaire a notamment donné l’occasion au Tribunal de se prononcer sur le contrôle de légalité des mesures restrictives attaquées à la lumière du droit international. Reste à voir si la Cour de justice confirmera les appréciations du Tribunal au cas où le Venezuela déciderait d’introduire un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.
Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Recours du Venezuela contre les mesures restrictives de l’Union européenne prises à son encontre : rejet par le Tribunal de l’Union, actualité du CEJE n° 34/2023, 11 octobre 2023, disponible sur www.ceje.ch