Bien que le Code des douanes de l’Union impose aux États membres l’obligation de prévoir des sanctions en cas d’infractions à la législation douanière, il ne fournit que des indications limitées sur la nature et la mise en place effective de mesures répressives. La question de la compatibilité des sanctions en matière douanière avec le droit de l’Union européenne a été examinée par la Cour de justice dans l’arrêt du 19 décembre 2024 SISTEM LUX (aff. jointes C‑717/22 et C‑372/23).
En l’espèce, les autorités douanières bulgares ont procédé au contrôle d’un camion semi-remorque conduit par le chauffeur VU qui transportait treize colis de profilés en aluminium en provenance de Turquie. Elles ont constaté que huit des colis en question n’avaient pas été déclarés dans les documents douaniers. Lors d’une procédure d’infraction administrative, il a été établi que VU n’avait pas rempli l’obligation qui lui incombait, en tant que chauffeur effectuant des transports internationaux, de prendre connaissance des documents qui lui étaient fournis et de vérifier leur conformité avec les marchandises effectivement transportées. Par conséquent, l’autorité de sanction administrative a infligé à VU une amende pour contrebande douanière d’un montant correspondant à la valeur douanière des profilés d’aluminium retrouvés dans les huit colis non déclarés. De plus, elle a ordonné la confiscation de ces profilés d’aluminium au profit de l’État bulgare.
La décision de l’autorité de sanction administrative a été contestée devant le tribunal d’arrondissement de Svilengrad dans le cadre de deux recours séparés : l’un intenté par Sistem Lux, société propriétaire de la marchandise confisquée et l’autre intenté par le chauffeur VU. Examinant ces deux recours, le tribunal d’arrondissement de Svilengrad et le tribunal administratif de Haskovo (juridiction de deuxième instance dans l’affaire intentée par le chauffeur VU) avaient des doutes sur la compatibilité des sanctions prévues par la réglementation bulgare avec le droit de l’Union européenne. Dans ces circonstances, elles ont décidé de surseoir à statuer et, dans le cadre des deux affaires (C‑717/22 et C‑372/23) de poser à la Cour de justice plusieurs questions portant notamment sur l’interprétation des articles 15 et 42 du Code des douanes de l’Union (règlement n ° 952/2013). L’article 15 de ce Code dispose que la personne intervenant dans l'accomplissement des formalités douanières ou dans les contrôles douaniers est tenue de fournir aux autorités douanières les documents ou informations requis ainsi que toute l'assistance nécessaire à l'accomplissement de ces formalités ou contrôles. L’article 42 du même Code oblige les États membres de l’Union à sanctionner toute infraction à la législation douanière de manière effective, proportionnée et dissuasive. Son paragraphe 2 contient une liste non-exhaustive des sanctions qui peuvent être adoptées par les autorités nationales.
Par leurs questions préjudicielles les juridictions bulgares ont demandé, premièrement, si les articles 15 et 42 du Code des douanes de l’Union s’opposent à la réglementation nationale qui permet de constater une infraction à la législation douanière du seul fait d’une négligence, constituée par le non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises transportées. Deuxièmement, elles voulaient savoir si lesdites dispositions s’opposent à ce qu’une sanction administrative d’un montant correspondant à, au moins, la valeur en douane des marchandises faisant l’objet de cette infraction soit infligée à l’auteur de ladite infraction. Finalement, les juridictions bulgares ont demandé, si l’article 42, du Code des douanes de l’Union, lu à la lumière de l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. qui garantit le droit de propriété, autorise le législateur national à prévoir outre l’imposition d’une amende, la confiscation des marchandises faisant l’objet de cette infraction. En particulier, elles souhaitaient savoir si la sanction de confiscation est admissible même lorsque ces marchandises n’appartiennent pas à l’auteur de l’infraction.
La Cour de justice a d’abord relevé qu’il ressortait du dossier que les marchandises en cause ont été transportées de la Turquie à destination de la Serbie, la Bulgarie n’étant qu’un pays de transit. Par conséquent, ces marchandises devaient faire l’objet d’une déclaration en douane correspondant au « régime du transit externe ». La Cour a ensuite constaté que l’inobservation de l’obligation de déposer une déclaration, découlant de l’article 15 du Code des douanes de l’Union, constitue une « infraction à la législation douanière » au sens de l’article 42 dudit Code. Elle a souligné qu’afin de qualifier une telle inobservation d’ « infraction à la législation douanière », au sens de cette disposition, il importe peu de savoir si cette inobservation a été intentionnelle, ou si elle a été commise par négligence ou en l’absence de tout comportement fautif de l’opérateur. Une sanction au titre de l’article 42 du Code des douanes peut être infligée du seul fait d’une négligence, constituée par le non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises transportées.
Examinant la question du montant de la sanction, la Cour de justice a rappelé que les mesures administratives ou répressives adoptées au titre de l’article 42 du Code des douanes de l’Union doivent être conformes au principe de proportionnalité. Une amende, prévue par le droit bulgare, dont le montant est compris entre 100 % et 200 % de la valeur en douanes des marchandises ne respecte pas ce principe puisqu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir que les marchandises ne soient pas soustraites à la surveillance douanière.
Ensuite, la Cour a souligné que la liste des sanctions figurant à l’article 42 du Code des douanes de l’Union n’est pas exhaustive. Par conséquent, les États membres peuvent prévoir d’autres sanctions que celles énumérées à ladite disposition, telles que des mesures de confiscation des marchandises. S’agissant de la question de savoir si une sanction de confiscation peut être infligée même lorsque ces marchandises n’appartiennent pas à l’auteur de l’infraction, la Cour a rappelé qu’une réglementation nationale permettant la confiscation de biens appartenant à un tiers de bonne foi utilisés pour la commission d’une infraction de contrebande est incompatible avec le droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
En l’espèce, les marchandises confisquées appartenaient à Sistem Lux, société qui était le destinataire des marchandises et/ou le titulaire du régime du transit de l’Union. La Cour a observé qu’il n’est pas exclu que Sistem Lux puisse être considérée comme responsable du non-respect des obligations de fournir les informations sur les marchandises en question. Par conséquent, il était loisible aux autorités nationales d’infliger une sanction de confiscation de ses marchandises. En conclusion, la Cour a jugé que l’article 42 du Code des douanes de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation qui prévoit, en cas d’infraction à la législation douanière, outre l’imposition d’une amende, la confiscation des marchandises faisant l’objet de cette infraction lorsque celles-ci appartiennent à une personne à qui cette infraction est imputable.
L’arrêt SISTEM LUX rappelle que les États membres disposent d’une marge de manœuvre importante en ce qui concerne la détermination des sanctions aux infractions à la législation douanière. Les sanctions en question doivent néanmoins être conformes au principe de proportionnalité dont le respect n’échappe pas au contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne.
Reproduction autorisée avec la référence suivante : Alicja Słowik, Les sanctions des infractions au Code des douanes de l’Union européenne, actualité n° 1/2025, publiée le 14 janvier 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch