Dans un arrêt du 4 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a interprété l’article 1er du règlement n°583/2009, du 3 juillet 2009, enregistrant la dénomination « Aceto Balsamico di Modena » dans le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées (ci-après le règlement n°583/2009). Cette dénomination bénéficie dès lors de la protection prévue à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n°1151/2012, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (ci-après le règlement n°1151/2012).
L’article 13, paragraphe 1, point a, du règlement n° 1151/2012 protège les dénominations enregistrées contre toute pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, comme cela serait notamment le cas de « toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ».
Le litige au principal oppose une entreprise allemande qui fabrique et commercialise des produits à base de vinaigre issu de vins de Bade (Allemagne) sur des étiquettes incluant les termes « Balsamico » et « Deutscher balsamico » au « Consorzio Tutela Aceto Balsamico », un groupement de producteurs de produits portant la dénomination « Aceto Balsamico di Modena ». Dans le cadre de ce litige, la juridiction de renvoi demande si l’article 1 du règlement n°583/2009 doit être interprété en ce sens que la protection de la dénomination « Aceto Balsamico di Modena » s’étend à l’utilisation des termes individuels non géographiques de celle-ci.
La Cour de justice avait précisé que la protection octroyée par l’article 13, paragraphe 1, du règlement n°1151/2012 couvre non seulement la dénomination composée en tant que telle, mais également chacune des composantes à condition que celles-ci ne soient ni un terme générique ni un terme commun (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour du 9 juin 1998, Chiciak et Fol, dans l’affaire C-129/97).
La difficulté du cas d’espèce est, par conséquence, de déterminer si les termes non géographiques « aceto » et « balsamico » peuvent être considérés comme des termes génériques ou communs au sens de la jurisprudence de la Cour de justice dans l’arrêt Chiciak et Fol. Cela impliquerait que le système de protection prévu par le règlement n°1151/2012 ne s’appliquerait pas aux termes « aceto » et « balsamico ».
Dans un premier temps, la Cour de justice a recours à une interprétation systématique du règlement n°583/2009 et elle reconnaît qu’il ressort des considérants 8, 10 et 11 dudit règlement que la dénomination « Aceto Balsamico di Modena » a une réputation indiscutable sur le marché national italien et les marchés extérieurs. En conséquence, c’est la dénomination composée en tant que telle qui remplit les conditions pour être inscrite dans le « Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées ». Cela exclut que les termes « aceto », « balsamico », « aceto balsamico » ou leurs traductions puissent bénéficier de la protection du règlement n°1151/2012. Dans un second temps, la Cour de justice rappelle qu’il est constant que le terme « aceto » est un terme commun (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour du 9 décembre 1981, Commission c. Italie, dans l’affaire 193/80), et que le terme « balsamico » est la traduction, en langue italienne, de l’adjectif « balsamique », un terme communément employé pour désigner un type de vinaigre et donc également un terme commun au sens de sa jurisprudence.
En conclusion, la protection de la dénomination « Aceto Balsamico di Modena » ne s’étend pas à l’utilisation des termes individuels non géographiques de celle-ci. Désormais, les termes « aceto » et « balsamico » peuvent être utilisés par d’autres producteurs sans qu’ils aillent à l’encontre du système de protection du règlement n°1151/2012 et sans qu’ils risquent d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.
Il convient de souligner que la protection des appellations d’origine et des indications géographiques doit être restreinte aux produits pour lesquels il existe un lien intrinsèque entre les caractéristiques du produit et l’origine géographique. Une interprétation moins stricte de la protection conférée aux appellations d’origine et des indications géographiques irait à l’encontre du but de ce système de protection mis en place par le législateur européen.
À la lumière de ce qui précède, les producteurs de vinaigre portant la dénomination « Aceto Balsamico di Modena » n’ont pas d’autre alternative que de continuer à différencier leurs produits dans les marchés des Etats membres par rapport aux producteurs de vinaigre utilisant les termes génériques « aceto » et « balsamico », ce qu’ils devront faire au niveau des caractéristiques de l’ « Aceto Balmsacio di Modena ».
Maddalen Martin Arteche, « La protection des composants non géographiques de la dénomination « Aceto Balsamico di Modena », actualité du décembre 2019, www.ceje.ch