Le Parquet européen, établi par le règlement 2017/1939 du 12 octobre 2017, a commencé ses activités le 1er juin 2021. Cet organe de l’Union européenne est chargé de mener des enquêtes, d’effectuer des actes de poursuite et d’exercer l’action publique devant les juridictions compétentes de 22 États membres en lien avec les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union qui sont prévues par la directive 2017/1371. La Hongrie, la Pologne, la Suède, le Danemark et l’Irlande ne participent pas à la coopération renforcée qui est à la base du Parquet européen. Ces États membres ont néanmoins la possibilité de rejoindre cet organe s’ils le souhaitent (article 331 TFUE et protocoles n°21 et 22). Pour l’instant, la Hongrie s’est formellement engagée à collaborer avec le Parquet européen par le biais d’un accord de travail et la Suède a communiqué son souhait de rejoindre cet organe en 2022.
L’entrée en fonction du Parquet européen est controversée. D’une part, la Finlande et la Slovénie n’ont pas respecté le délai (le 1er juin 2021) pour nommer leurs procureurs européens délégués. Le non-respect de ce délai est d’autant plus grave que les procureurs européens délégués joueront un rôle clé au sein de l’institution. En effet, ils seront en charge, dans leurs États membres respectifs, des enquêtes, des poursuites et de la mise en état des affaires appartenant à la compétence du Parquet européen (article 13 du règlement 2017/1939). La chef du Parquet européen, Madame Laura Kövesi, a jugé le comportement de la Slovénie de manque manifeste de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE). En raison de la violation de cette obligation, la Commission pourrait initier une procédure de manquement contre la Finlande et la Slovénie en vertu de l’article 258 TFUE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (arrêt du 15 novembre 2011, dans l’affaire C-539/09, Commission c. Allemagne, ECLI:EU:C:2011:733). La Commission n’a pas pour l’instant pris une telle décision. L’absence de procureurs européens délégués en Finlande et en Slovénie n'a toutefois pas empêché le début de l’activité du Parquet européen car le règlement 2017/1939 prévoit que, dans des circonstances exceptionnelles, le procureur européen d'un même État membre (qui est en principe responsable de la surveillance d’une affaire) puisse remplacer le procureur européen délégué chargé de mener l’enquête dans l’État membre concerné (article 28, paragraphe 4, du règlement 2017/1939). Madame Laura Kövesi a cependant signalé que la confiance dans le fonctionnement efficace des systèmes de gestion et de contrôle des fonds de l’UE en Slovénie serait affaiblie en raison du manque mentionné.
D’autre part, le budget attribué pour l’année 2021 (44.952.790 euros) a été considéré insuffisant pour faire face à la charge de travail actuelle du Parquet (le nombre initial de cas est prévu de 3.000). Une pénurie de ressources financières, parmi d’autres ressources, n’est pas sans risque. En effet, elles seront vitales pour le fonctionnement efficace et libre du Parquet. Un organe non performant ne bénéficierait à personne.
Les attentes placées dans le Parquet européen sont élevées, d’autant plus que dès le 31 mai 2021 l’UE peut commencer à mettre à disposition des Etats membres des fonds au titre de la facilité pour la reprise et la résilience après la pandémie de Covid-19, qui est dotée de 672,5 milliards d'euros. Le Parquet européen est désormais responsable de veiller à ce que ces ressources financières soient destinées aux objectifs visés au règlement 2021/241 du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience. Cette tâche s’avère complexe en raison de la non-participation de cinq États membres au Parquet européen. Par conséquent, cet organe devra se servir des instruments autres que la coopération renforcée et d’autres organes de l’UE, tels que Eurojust, Europol et l’Office européen de lutte antifraude, pour mener des enquêtes en cas de soupçon de fraude portant atteinte aux ressources provenant de la facilité pour la reprise et la résilience qui auraient été commise dans le territoire des États membres non participant au Parquet européen ou qui auraient des effets sur le territoire de ces États membres.
Nous pouvons constater que le Parquet européen est déjà confronté à des difficultés et des interrogations. L’UE et les États membres auront vif intérêt à respecter le mandat du Parquet européen ainsi qu’à coopérer avec lui vu son rôle prééminent dans la protection des intérêts financiers de l’UE.
Maddalen Martin, L’entrée en fonction du Parquet européen le 1er juin 2021, actualité du CEJE n° 20/2021, disponible sur www.ceje.ch