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Citoyenneté de l’Union européenne et droit de devenir membre d’un parti politique

Mateusz Milek , 17 décembre 2024

Par ses arrêts du 19 novembre 2024 (aff. C-808/21 Commission c. République tchèque et C-814/21 Commission c. Pologne), la Cour de justice, réunie en grande chambre, a jugé que les citoyens de l’Union européenne disposent du droit de devenir membres d’un parti politique dans l’État membre où ils résident. Ces affaires concernaient les législations nationales de la Pologne et de la République tchèque, qui restreignaient ce droit aux seuls ressortissants de ces deux États membres. Or, l’article 22 TUE garantit à tout citoyen de l’Union le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen, dans les mêmes conditions que les ressortissants de l’État membre de résidence. Considérant que les règles nationales en question contrevenaient à l’article 22 TUE, la Commission européenne a introduit un recours en constatation de manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 258 TFUE.

Dans un premier temps, la Cour de justice a examiné la portée de l’article 22 TFUE. À cet égard, bien que le libellé de cet article ne mentionne pas explicitement la qualité de membre d’un parti politique, il établit une règle spécifique de non-discrimination en raison de la nationalité, applicable à l’exercice du droit de vote et d’éligibilité. La Cour a souligné que cette disposition s’applique à toute mesure nationale qui pourrait entraver l’exercice effectif de ces droits. En outre, elle a rappelé que, selon l’article 10, paragraphe 1, TUE, le fonctionnement de l’Union repose sur la démocratie représentative, une valeur fondamentale inscrite à l’article 2 TUE. Elle a également mis en avant le rôle central des partis politiques dans l’expression de la volonté des citoyens, reconnu notamment à l’article 10, paragraphe 4, TUE et à l’article 12, paragraphe 2, de la Charte. La qualité de membre d’un parti politique contribue, selon la Cour, de manière significative à l’exercice effectif des droits d’éligibilité prévus par l’article 22 TFUE.

Dans un second temps, la Cour a analysé les législations polonaise et tchèque, lesquelles établissent une différence de traitement en fonction de la nationalité quant à la possibilité de devenir membre d’un parti politique. Les gouvernements polonais et tchèque ont soutenu que leurs législations respectives ne portaient pas atteinte aux droits conférés par l’article 22 TFUE, dans la mesure où les citoyens de l’Union résidant sur leur territoire peuvent se présenter aux élections sans appartenir à un parti politique. Nonobstant, la Cour a considéré que l’interdiction d’appartenir à un parti politique plaçait ces citoyens dans une position moins favorable par rapport aux ressortissants nationaux, étant donné que l’appartenance au parti politique permet de bénéficier de ressources humaines, organisationnelles, et financières lors des élections. Par conséquent, les législations nationales en l’espèce ont été considérées comme introduisant une différence de traitement interdite, en principe, par l’article 22 TFUE.

Enfin, la Cour a examiné l’argument selon lequel cette différence de traitement serait justifiée par la nécessité de respecter l’identité nationale des États membres, conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE. Bien que la Cour ait reconnu que l’organisation de la vie politique nationale relève de l’identité nationale, elle a insisté sur le fait que les principes de démocratie et d’égalité de traitement, inscrits à l’article 2 TUE, constituent des valeurs fondamentales de l’Union. Permettre aux citoyens de l’Union de devenir membres d’un parti politique dans leur État de résidence concrétise, selon la Cour, ces principes, et ne peut être considéré comme une atteinte à l’identité nationale des États membres.

Ces arrêts de la Cour de justice marquent une étape importante dans la construction de la citoyenneté européenne, en réaffirmant que les droits politiques des citoyens de l’Union doivent être pleinement garantis. La Cour reconnaît également l’importance des partis politiques, qui jouent un rôle essentiel dans l’expression de la volonté des citoyens et dans le fonctionnement des systèmes démocratiques. Ce développement jurisprudentiel témoigne aussi de la volonté de la Cour de justice de veiller à ce que l’identité nationale des Etats membres, quoique reconnue, n’empiète pas sur le respect des valeurs de l’Union européenne.

 

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Citoyenneté de l’Union européenne et droit de devenir membre d’un parti politique, actualité n° 34/2024, publiée le 17 décembre 2024, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch