La réintroduction des contrôles internes de manière non-coordonnée et unilatérale par les Etats membres à cause de la crise migratoire de 2015, des attentats sur le sol européen et de la pandémie de Covid-19 a remis en cause l’efficacité de l’espace sans contrôles aux frontières intérieures de l’Union (« l’espace Schengen »). En réponse à l’affaiblissement de l’espace Schengen, la Commission européenne a présenté le 2 juin 2021 une nouvelle stratégie pour le renforcer.
Les mesures envisagées portent tant au sur la dimension externe que la dimension interne de l’espace Schengen. Concernant le volet externe, la stratégie vise, d’un côté, à simplifier l’accès des ressortissants des pays tiers qui ont le droit de séjourner dans le territoire d’un État membre et, d’un autre côté, à restreindre l’accès des ressortissants des pays tiers qui essaient de franchir les frontières extérieures de l’Union de manière illégale. Les premiers pourront soumettre leur demande de visa en ligne et voyager dans l’Union avec une visa numérique qui remplace la vignette-visa actuellement utilisée. Les derniers seront contrôlés aux frontières extérieures de l’Union et seront renvoyés immédiatement vers la procédure de retour ou d’asile. Ce filtrage évitera que les migrants irréguliers traversent les frontières de l’Union et se déplacent ensuite à l’intérieur de celle-ci. Par ailleurs, les États membres sont vivement encouragés à fortifier la coopération avec les pays tiers (notamment les pays d’origine des migrants arrivant sur le sol européen) afin de réduire les flux migratoires irréguliers vers l’Union et de lutter contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains.
S’agissant du volet interne, la Commission européenne voudrait en priorité restaurer la confiance mutuelle entre les États membres qui a permis la construction et le maintien de l’espace Schengen. Comme moyens pour y parvenir, les États devront coopérer davantage en matière policière et de gestion de la migration. Concernant la coopération policière, le cadre Prüm (qui permet l'échange d'informations sur l'ADN, les empreintes digitales et l'immatriculation des véhicules entre les États membres) sera renouvelé, les pouvoirs d’Europol seront renforcés et un nouveau code de coopération policière sera adopté. S’agissant de la gestion coordonnée de la migration, celle-ci reposera sur les propositions présentées par la Commission dans le cadre du « Nouveau pacte migratoire », notamment la proposition qui remplacera le règlement « Dublin III ». Cette proposition a pour but, parmi d’autres, de mettre fin aux déplacements des migrants à travers l’Union ayant des effets indésirables sur l’espace Schengen.
La Commission souhaiterait toutefois maintenir la possibilité pour les Etats membres de réintroduire des contrôles aux frontières intérieures face aux évènements menaçant la sécurité ou la santé publique dans le territoire des États membres. Le recours à cette mesure devrait néanmoins se faire en dernier ressort et de manière coordonnée entre l’UE et les Etats membres pour éviter l’approche non-coordonnée constatée pendant la pandémie de la Covid-19. En outre, la Commission voudrait garder le système de « voies réservées » mis en place au printemps 2020 pour assurer le transport de biens essentiels en temps de fermeture des frontières nationales.
Touchant tant au volet interne qu’externe de l’espace Schengen, le mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen ainsi que le code frontières Schengen seront révisés et le dialogue politique sur les défis pour l’espace Schengen sera favorisé davantage. Par ailleurs, la Commission souhaiterait que les Etats membres qui ne participent pas encore à l’espace Schengen et qui sont considérés prêts pour l’adhésion (la Roumanie, la Croatie et la Bulgarie) en fassent partie.
La nouvelle stratégie de la Commission démontre une forte volonté d’approfondir l’intégration européenne et de restaurer la confiance mutuelle entre les États membres, remises en cause dans le contexte de la pandémie. Il ne s’agit toutefois pas de la seule initiative pour parvenir à ce but. « Next Generation EU », le plan qui autorise l’UE à emprunter des fonds sur le marché et les distribuer ensuite aux Etats membres pour que ceux-ci les utilisent en vue de la reprise économique après la Covid-19, en est également témoin.
L’ambition intégrationniste que démontre la nouvelle stratégie Schengen de la Commission sera toutefois un effort vain si les États membres mettent en avant leurs intérêts nationaux à l’occasion d’un nouveau défi pour l’espace Schengen.
Maddalen Martin, Stratégie de l’UE pour renforcer l’espace Schengen, actualité du CEJE n° 29/2021, disponible sur www.ceje.ch