Avec l’arrêt Bajratari (aff. C-93/18), du 2 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la Cour »), a été appelée à se prononcer, au titre de l’article 267 TFUE, sur l’interprétation de l’article 7 § 1, sous b), de la directive 2004/38 (ci-après « la directive ») du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Le litige au principal opposait Mme Bajratari, ressortissante albanaise et résidante en Irlande du Nord, au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni) au sujet de son droit de séjour au Royaume-Uni.
Après la naissance de son premier enfant, citoyen de l’Union, Mme Bajratari, a introduit, le 9 septembre 2013, une demande auprès du Home Office (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) aux fins de la reconnaissance d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive, en invoquant son statut de personne assurant effectivement la garde de son enfant. Cette demande a été rejetée par une décision du 28 janvier 2014 du ministre de l’Intérieur, au motif que Mme Bajratari ne pouvait pas être considérée comme un « membre de la famille » d’un citoyen de l’Union au sens de la directive, et que son enfant ne satisfaisait pas la condition d’autonomie financière prévue à l’article 7 § 1, sous b), de la directive.
La juridiction de renvoi a demandé, si l’article 7 § 1, sous b), de la directive doit être interprété en ce sens qu’un citoyen de l’Union mineur dispose de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, même lorsque ces ressources proviennent des revenus tirés de l’emploi exercé de manière illégale par son parent, ressortissant d’un État tiers ne disposant pas d’un titre de séjour et d’un permis de travail dans cet État membre.
La Cour de justice a rappelé, à titre liminaire, que pour se prévaloir de l’article 21 § 1 TFUE, un citoyen de l’Union européenne doit respecter les conditions posées à l’article 7 § 1 de la directive. S’agissant de la condition relative au caractère suffisant des ressources énoncées à l’article 7 de la directive, la Cour a statué que, si le citoyen de l’Union doit disposer de ressources suffisantes, le droit de l’Union ne comporte toutefois pas la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci. Il se peut que les ressources puissent être fournies, par un ressortissant d’un État tiers, parent des citoyens de l’Union mineurs concernés. Ainsi, le fait que les ressources dont un citoyen de l’Union mineur entend se prévaloir proviennent des revenus tirés, par son parent ressortissant d’un État tiers, de l’emploi qu’il exerce dans l’État membre d’accueil, ne fait pas obstacle à ce que la condition relative au caractère suffisant des ressources puisse être considérée comme remplie.
La Cour de justice considère ensuite si cette conclusion vaut également lorsque le parent d’un citoyen de l’Union mineur ne dispose ni d’un titre de séjour, ni d’un permis de travail dans l’État membre d’accueil. A cet égard, la Cour de justice a souligné que rien dans le libellé de l’article 7 § 1, sous b) de la directive ne permet de considérer que seules les ressources tirées d’un emploi exercé par un ressortissant d’un État tiers, parent d’un citoyen de l’Union mineur, sous couvert d’un titre de séjour et d’un permis de travail, peuvent être prises en considération aux fins de cette disposition. La finalité de la disposition est d’éviter que les citoyens de l’Union européenne deviennent, pendant leur séjour, une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.
Dans une situation telle que celle au principal, établir qu’un citoyen de l’Union mineur, pour subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille au cours de son séjour dans l’État membre d’accueil, au sens de l’article 7 § 1, sous b) de la directive, ne peut pas se prévaloir de revenus tirés d’un travail exercé dans l’État membre d’accueil par son parent, ressortissant d’un État tiers ne disposant pas de titre de séjour et d’un permis de travail, reviendrait à augmenter le risque de perte de ressources suffisantes et que ce citoyen devienne une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. Pourtant, une mesure nationale consistant à exclure de tels revenus de la notion de « ressources suffisantes », au sens de l’article 7 § 1, sous b), de la directive, bien que soit apte à la réalisation de son objectif, reviendrait à ajouter à cette disposition une exigence relative à l’origine des ressources fournies par ce parent. La Cour de justice a considéré que cela constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit fondamental de libre circulation et de séjour du citoyen de l’Union mineur garanti à l’article 21 TFUE, ainsi qu’une atteinte à l’objectif général de la directive.
En guise de conclusion, un citoyen de l’Union mineur dispose de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, même lorsque ces ressources proviennent des revenus tirés de l’emploi exercé de manière illégale par son parent ressortissant d’un État tiers.
Vincenzo Elia « Interprétation de la notion de « ressources suffisantes » au sens de l’article 7 § 1, sous b), de la directive 2004/38 », actualité du 24 octobre 2019, www.ceje.ch