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Violation par l’Allemagne du droit de l’Union européenne s’agissant de la vignette pour l’utilisation des routes fédérales

Vincenzo Elia , 11 juillet 2019

Dans un arrêt de grande chambre Autriche c. Allemagne (aff. C-591/17) du 18 juin 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la Cour »), a été appelée à se prononcer, au titre de l’article 259 TFUE, sur la compatibilité avec le droit de l’Union européenne du cadre juridique allemand qui a introduit une redevance pour l’utilisation par les véhicules automobiles particuliers des routes fédérales, y compris les autoroutes.

Par sa requête, l’Autriche a demandé à la Cour de justice de constater que, en introduisant la redevance d’utilisation des infrastructures pour les véhicules automobiles particuliers et en prévoyant une exonération de la taxe sur les véhicules automobiles correspondant, à tout le moins, au montant de la redevance pour les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne, cet État membre a violé les articles 18, 34, 56 et 92 TFUE. L’effet combiné de la redevance d’utilisation des infrastructures et l’exonération de la taxe sur les véhicules automobiles pour les véhicules immatriculés en Allemagne, revenait, selon le Gouvernement autrichien, à réserver aux ressortissants allemands un traitement plus favorable que celui réservé aux ressortissants d’autres États membres. Ceci constituerait une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, interdite par l’article 18 TFUE.

La Cour de justice a rappelé qu’en instaurant des taxes sur les véhicules automobiles, les États membres doivent respecter le droit de l’Union européenne et, notamment, le principe d’égalité de traitement, de telle sorte que les modalités d’application de ces taxes ne constituent pas un moyen de discrimination.

L’exonération de la taxe sur les véhicules automobiles au profit des propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne a pour effet de compenser intégralement la redevance d’utilisation des infrastructures acquittée par ces derniers. La charge économique de la redevance pèserait ainsi sur les seuls propriétaires et conducteurs de véhicules immatriculés dans les autres États membres, constituant une mesure discriminatoire à leur détriment.

Pour justifier une éventuelle discrimination indirecte, l’Allemagne a soutenu que le cadre juridique mis en place reflétait le passage d’un système de financement par l’impôt à un système de financement fondé sur les principes de l’« utilisateur-payeur » et du « pollueur-payeur ». L’Allemagne a en outre avancé des considérations liées à la protection de l’environnement et à la répartition de la charge entre les usagers des infrastructures nationaux. Ces motifs n’ont pas été considérés propres à garantir l’objectif recherché par l’Allemagne.

La Cour de justice a relevé que si la redevance d’utilisation des infrastructures était cohérente avec l’objectif fixé, l’introduction d’un mécanisme de compensation individuelle en faveur des propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne ne l’était pas.

En effet, l’Allemagne a soutenu que lesdits propriétaires contribuaient déjà au financement des infrastructures routières avant l’introduction de la redevance, par le biais de la taxe sur les véhicules automobiles. Le mécanisme de compensation visait ainsi à éviter une charge fiscale disproportionnée à leur égard. Toutefois, outre le fait que l’Allemagne a souligné elle-même que les infrastructures fédérales sont financées par l’impôt, elle n’a apporté aucune précision quant à l’étendue de cette contribution et n’a donc aucunement établi que la compensation accordée à ces propriétaires, sous la forme d’une exonération de ladite taxe à hauteur d’un montant au moins équivalent à celui de la redevance d’utilisation des infrastructures, n’excède pas ladite contribution et présente ainsi un caractère adéquat.

De plus, la redevance d’utilisation des infrastructures aurait dû être payée annuellement par les propriétaires de véhicules automobiles immatriculés en Allemagne et sans possibilité d’opter pour une vignette de plus courte durée. Ce fait, combiné à l’exonération de la taxe sur lesdits véhicules, démontrait que le passage à un système de financement fondé sur les principes de l’« utilisateur-payeur » et du « pollueur-payeur » visait exclusivement les propriétaires et les conducteurs de véhicules immatriculés dans d’autres États membres, tandis que le principe d’un financement par l’impôt continuait à s’appliquer pour les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne.

Concernant la violation des articles 34 et 56 TFUE, la Cour de justice a jugé que les mesures litigieuses constituaient une entrave à l’accès au marché allemand. En effet, la redevance d’utilisation des infrastructures à laquelle étaient, de facto, soumis uniquement les véhicules étrangers était susceptible d’augmenter les coûts de transport et, par conséquence, le prix des produits, affectant ainsi leur compétitivité. La redevance d’utilisation des infrastructures était en outre susceptible à la fois d’augmenter le coût des services fournis en Allemagne par les prestataires et d’augmenter le coût que représente pour les destinataires le fait de se rendre en Allemagne pour y bénéficier d’un service.

En guise de conclusion, en introduisant la redevance d’utilisation des infrastructures pour les véhicules automobiles particuliers et en prévoyant, simultanément, une exonération de la taxe sur les véhicules automobiles d’un montant au moins équivalent à celui de la redevance, en faveur des propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union européenne. 

Vincenzo Elia, « Violation par l’Allemagne du droit de l’Union européenne s’agissant de la vignette pour l’utilisation des routes fédérales » actualité du 11 juillet 2019, disponible sur www.ceje.ch