Avec l’arrêt Rohart, aff. C-179/18, du 13 février 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la Cour »), a été appelée à se prononcer, au titre de l’article 267 TFUE, sur l’interprétation de l’article 4 § 3 TUE, en liaison avec le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après « le Statut »).
Le litige au principal opposait M. Rohart au Federale Pensioendienst (service fédéral des pensions), au sujet du refus de cet organisme de prendre en compte la période du service militaire obligatoire accompli par l’intéressé aux fins du calcul de sa pension de retraite de travailleur salarié. Le refus a été justifié sur la base de l’arrêté royal portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés (ci-après « l’arrêté royal »). Ce dernier, à son article 34, prévoit que les périodes d’obligation de milice dans l’armée belge sont assimilées à des périodes de travail. En vertu de l’arrêté royal, le requérant aurait dû verser des cotisations au régime de pension national pendant la période de son service militaire obligatoire.
M. Rohart a travaillé en Belgique en tant que travailleur salarié du 1octobre 1970 au 15 août 1973. Le 16 août 1973, il est entré en fonction en qualité de fonctionnaire à la Commission européenne où il a travaillé jusqu’à son départ à la retraite, avec une interruption d’une année, du 1 juillet 1974 au 30 juin 1975, pendant laquelle il a accompli son service militaire obligatoire en Belgique.
La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si l’article 4 § 3 TUE, en liaison avec le Statut, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, en vertu de laquelle, lors de la détermination des droits à pension d’un travailleur ayant occupé un emploi en tant que travailleur salarié dans un État membre avant de devenir fonctionnaire de l’Union et ayant accompli, une fois devenu fonctionnaire de l’Union, son service militaire obligatoire dans cet État membre, est refusé à ce travailleur le bénéfice de l’assimilation de la période passée sous les drapeaux à une période de travail effectif en tant que travailleur salarié.
Dans l’arrêt My, aff. C‑293/03, du 16 décembre 2004, la Cour a statué que le principe de coopération loyale, en liaison avec le statut, s’oppose à une réglementation nationale qui ne permet pas de tenir compte des années de travail qu’un ressortissant de l’Union a accomplies au service d’une institution de l’Union aux fins de l’ouverture d’un droit à une pension de retraite anticipée au titre du régime national (§ 49). Dans l’ordonnance C-286/09 Ricci et Pisaneschi, du 9 juillet 2010, la Cour a établi que ce régime s’applique également en ce qui concerne l’ouverture d’un droit à une pension de retraite ordinaire ( § 34).
En outre, dans l’arrêt Wojciechowski, aff. C-408/14, du 10 septembre 2015, la Cour a établi qu’en vertu du principe de répartition des compétences, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale. Les États membres doivent néanmoins assurer le respect du droit et des principes de l’Union européenne (§ 35). Le Statut a été arrêté par le règlement n° 259/68 du Conseil qui, en vertu de l’article 288, alinéa 2, TFUE, a une portée générale, est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tous les États membres. Ces derniers, doivent partant adopter tout mesure interne nécessaire à sa mise en œuvre (§§ 36 et 41 de l’arrêt Wojciechowski).
Le principe de coopération loyale, en liaison avec le Statut, s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la pension de retraite qui serait due à un travailleur au titre des prestations accomplies en tant que salarié dans cet État membre est réduite ou refusée du fait de la carrière qu’il a exercée par la suite au sein d’une institution de l’Union européenne. De même, une réglementation nationale ne peut pas être de nature à rendre plus difficile le recrutement, par les institutions européennes, de fonctionnaires nationaux ayant une certaine ancienneté, ni le maintien au service de ces institutions de fonctionnaires expérimentés (§ 43 de l’arrêt Wojciechowski).
En l’espèce, une réglementation telle que celle du litige au principal, est susceptible de dissuader un travailleur occupant un emploi relevant d’un régime de pension d’un État membre de devenir fonctionnaire de l’Union européenne avant l’accomplissement de son service militaire obligatoire (§ 20). De telles conséquences ne sauraient être admises au regard du devoir de coopération et d’assistance loyales qui incombe aux États membres à l’égard de l’Union et qui trouve son expression dans l’obligation prévue à l’article 4 § 3 TUE, de faciliter à celle-ci l’accomplissement de sa mission (§ 22).
Vincenzo Elia « Droit à pension et période de service militaire obligatoire », actualité du 21/02/2019, disponible sur www.ceje.ch