Avec l’augmentation des cas de coronavirus en Europe, les citoyens se demandent quelles mesures doivent être prises au niveau de l’Union européenne pour lutter contre ce fléau. Les institutions ont commencé, dans les derniers jours, à communiquer de manière plus intense sur les mesures prises dans la région. Comme signalé par la Commissaire Kyriakides, s’il faut prendre la situation très au sérieux, il faut néanmoins éviter la panique et la désinformation. Pour parvenir à cet objectif, il est utile de revoir quels sont les outils à disposition de l’Union européenne en cas de maladies transfrontières graves et quelles sont les mesures effectivement mises en place depuis la parution du premier cas de coronavirus en Chine.
L’Union européenne est tenue, en vertu de l’article 168 TFUE de lutter contre les grands fléaux, en favorisant la recherche et la des maladies infectieuses. Sur la base de l’article 168, par. 5, TFUE, l’Union européenne a adopté la décision n° 1082/2013 relative aux menaces transfrontières graves sur la santé. Cet instrument prévoit la mise en place du système d’alerte précoce et de réaction (Early Warning and Response System, EWRS, en anglais) et octroie au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control, ECDC, en anglais) le pouvoir de surveiller les maladies infectieuses et d’exploiter le système d’alerte. La décision n° 1082/2013 met enfin en place un comité de sécurité sanitaire (Health Security Committee, en anglais), lequel coordonne avec la Commission européenne les mesures de préparation et de réaction des États membres face à ce type de maladies. Outre cette décision spécifiquement dédiée aux maladies infectieuses, l’Union européenne fait souvent usage de la décision n° 1313/2013 relative au mécanisme de protection civile (EU Civil Protection Mechanism, en anglais) pour répondre à ces situations. Ce mécanisme prévoit des outils de coopération et de coordination pour faire face à un désastre naturel ou humain à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne. Le mécanisme de protection civile a donc un champ d’application large et a été exploité tant pour des phénomènes naturels, tels que le tremblement de terre du Népal, que pour des maladies graves, telles que la crise de l’Ebola. Ces deux décisions ont été utilisées par les institutions européennes pour lutter contre le coronavirus.
S’agissant des mesures adoptées pour prévenir et réagir face à la propagation du coronavirus à l’intérieur de l’Union européenne, c’est surtout la décision n° 1082/2013 qui a été exploitée. L’ECDC a développé des plans de contingence au niveau européen et a apporté son soutien aux États membres pour mettre en place des mesures de contingence au niveau national. En vertu de l’article 10, par. 1, lettre a), de la décision n° 1082/2013, l’ECDC publie tous les jours une évaluation des risques concernant le coronavirus. L’Union européenne a également destiné des fonds à la recherche de traitements efficaces pour lutter contre le coronavirus. Ainsi, la Commission européenne a lancé un appel à propositions, le 31 janvier 2020, octroyant €10 millions pour des projets de recherche visant à améliorer le traitement des patients infectés. L’Union européenne participe également au financement de €90 millions octroyé à la « Innovative Medicines Initiative », un partenariat public-privé chargé de développer un vaccin contre le coronavirus. Mis à part ces financements spécifiques, l’Union européenne finance déjà plusieurs projets qui, compte tenu des circonstances, ont réorienté leurs recherches vers le coronavirus. Une coopération institutionnelle a enfin été mise en place entre l’ECDC et l’OMS. Une délégation conjointe avec des représentants des deux organes s’est déplacée, le 25 février 2020, en Italie, le pays le plus touché par le coronavirus dans l’Union européenne, pour évaluer la situation.
S’agissant des mesures adoptées pour lutter contre le coronavirus au niveau global, celles-ci reposent plutôt sur la décision n° 1313/2013. Le mécanisme de protection civile a permis de mettre à disposition €3 millions pour organiser des vols facilitant le retour des citoyens européens qui se trouvaient à Wuhan (Chine), épicentre du coronavirus. Pour l’instant, cet instrument a déjà permis le retour de 447 citoyens européens. Le mécanisme de protection civile a également permis à l’Union européenne d’envoyer du matériel médical d’urgence en Chine. Une autre priorité de l’Union européenne en lien avec le coronavirus est le soutien en Afrique. L’Union craint en effet les conséquences de l’arrivée de cette maladie dans le continent africain compte tenu de la fragilité des systèmes de santé dans la région. Elle a donc destiné €15 millions pour faciliter le diagnostic rapide des patients et pour renforcer la surveillance épidémiologique. Une partie de ces fonds sera également destinée à la recherche réalisée par l’Institut Pasteur de Dakar.
Un grand nombre de mesures ont donc été adoptées pour lutter contre le coronavirus. Il est nécessaire de signaler toutefois qu’aucune mesure n’a été prise à ce stade concernant des restrictions de voyage ou des fermetures de frontières. Les contrôles aux frontières sont autorisés exceptionnellement dans l’espace Schengen pour des raisons de sécurité publique et pour une durée limitée. Toutefois, une telle mesure n’est pour l’instant pas envisagée par les États membres et, dans ses conclusions du 12 février 2020, le Conseil a d’ailleurs insisté sur la nécessité de préserver la libre circulation au sein de l’Union européenne. Cette position semble cohérente avec le règlement sanitaire international, instrument multilatéral de base en matière de maladies infectieuses, lequel vise à éviter la propagation internationale des maladies par une action de santé publique proportionnée et « en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux » (article 2). Ainsi, l’action de l’Union européenne dans la lutte contre le coronavirus se focalise sur la surveillance de la maladie, la recherche de traitements pour y faire face et la coopération avec les régions les plus touchées, tout en garantissant la liberté de circulation au sein de l’Union.
Elisabet Ruiz Cairó, L’Union européenne face au coronavirus : actions entreprises, actualité du CEJE n° 8/2020, disponible sur www.ceje.ch