Dans un arrêt rendu en grande chambre le 25 octobre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a, dans l’affaire C-687/15 Commission c. Conseil, annulé les conclusions du Conseil sur la conférence mondiale des radiotélécommunications de 2015 de l’Union internationale des télécommunications. Le désaccord entre les institutions portait sur le respect des exigences de forme et de procédures prévues par l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE. Cette disposition prévoit l’adoption, par le Conseil, d’une décision établissant la position à prendre au nom de l’Union européenne dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques. Ladite décision est prise sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
En l’espèce, la Commission avait présenté au Conseil une proposition de décision qui concernait la position à adopter au nom de l’Union en vue de la conférence mondiale des radiocommunications de 2015. Le Conseil n’a cependant pas adopté ladite décision, privilégiant la forme de conclusions pour exposer le point de vue de l’Union. La Commission a critiqué l’application de règles de vote différentes de celles prévues à l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE, l’absence de base juridique dans l’acte et le manque de clarté de la position exprimée. L’ensemble de ces écueils menait, selon la Commission, à un affaiblissement de la représentation externe « forte et unifiée » de l’Union. A contrario, le Conseil considérait qu’il avait établi une position contraignante et claire, et que le défaut de base juridique constituait un vice purement formel. Il s’appuie également sur sa pratique en la matière pour justifier son attitude.
La Cour de justice, pour trancher la question de savoir si le Conseil avait la possibilité de recourir à une forme d’acte autre que celle prévue à l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE, se base sur le principe de l’équilibre institutionnel. En vertu de ce principe, les compétences ont été réparties entre les différentes institutions de l’Union par les traités. Les règles établies à ce sujet ne sauraient être remises en question par la pratique des institutions. La Cour réfute dès lors l’argument du Conseil sur ce point. S’agissant de la dérogation à la forme de l’acte prévue par l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE, il s’agit bel et bien d’une violation des formes substantielles. En effet, en l’espèce, la forme choisie par le Conseil est source d’incertitude « quant à la nature et à la portée juridique de cet acte » (pt 45). Sur la question de l’absence de base juridique dans l’acte attaqué, la Cour confirme le raisonnement de la Commission et rappelle l’importance constitutionnelle du choix de la base juridique appropriée. Celui-ci participe à la préservation des prérogatives des institutions de l’Union. La mention de la base juridique permet également de satisfaire à l’obligation de motivation et à l’impératif de sécurité juridique. Le Conseil aurait donc dû indiquer la base juridique matérielle et procédurale sur laquelle l’acte est fondé, le contenu de ce dernier ne permettant de déterminer ladite base juridique et matérielle.
La conjugaison de la dérogation à la forme juridique prévue à l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE, d’une part, et l’omission de l’indication de la base juridique, d’autre part, « engendrent une confusion quant à la nature et à la portée juridique de l’acte attaqué ainsi qu’à la procédure qu’il fallait suivre pour son adoption, confusion qui était propre à affaiblir l’Union dans la défense de sa position lors de la [conférence] » (pt 58). Les conclusions du Conseil ont dès lors été annulées par la Cour de justice de l’Union européenne.
En conclusion, il y a lieu de ne pas s’écarter des règles prévues à l’article 218, paragraphe 9, du traité FUE, qui ne laisse pas le choix au Conseil de l’instrument juridique pertinent s’agissant de la présentation de la prise de position au nom de l’Union au sein d’une instance créée par un accord international. Une telle situation est clairement encadrée, ce qui peut être justifié par l’enjeu que constitue la représentation internationale de l’Union. A l’appui de son raisonnement, la Cour a repris sa jurisprudence solide sur les questions touchant à la répartition des compétences entre institutions mais également à la mention d’une base juridique matérielle et procédurale dans un acte de l’Union.
Margaux Biermé, « Annulation des conclusions du Conseil sur la conférence mondiale des télécommunications », Actualité du 29 novembre 2017, disponible sur www.ceje.ch