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Actualités sur les relations bilatérales CH-UE

Diane Grisel , 3 juin 2010

Le mercredi 26 mai 2010, le Conseil fédéral a annoncé qu’il renonçait à invoquer la clause de sauvegarde de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Cette clause spéciale, inscrite à l’article 10, alinéa 4, ALCP, permet à la Suisse de limiter le nombre de nouveaux titres de séjour délivrés à des ressortissants de l’Union européenne pour l’accès à une activité économique. L’application de la clause de sauvegarde, possible jusqu’au 31 mai 2014 (jusqu’en 2019 à l’égard des ressortissants roumains et bulgares en vertu de l’art. 10, al. 4c, ALCP), est subordonnée à la condition que le nombre de nouveaux titres de séjour octroyés à des ressortissants de l’Union, sur une année, soit supérieur à la moyenne des trois années précédentes majorée de 10%. Or ce seuil n’a été atteint ni pour les autorisations de courte durée (supérieure à quatre mois et inférieure à une année) ni pour les autorisations de séjour d’une durée égale ou supérieure à une année ; les chiffres entre juin 2009 et mai 2010 démontrent même un léger recul par rapport à l’année précédente.

Le lendemain de cette annonce, le SECO, en collaboration avec l’ODM, l’OFS et l’OFAS, publiait le sixième rapport de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE traitant des conséquences de la libre circulation des personnes sur le marché du travail suisse. Si l’immigration nette, en réaction à la conjoncture économique, a diminué l’an dernier, elle se maintient à un niveau jugé « relativement élevé ». Le SECO souligne que, depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP, le profil de l’immigration et le niveau de qualification des immigrés ont changé : l’immigration des ressortissants de l’UE/AELE dépasse à présent celle des Etats hors UE/AELE et est principalement le fait d’une main-d’œuvre hautement qualifiée qui s’intègre au marché du travail suisse dans un bénéfique rapport de complémentarité avec la population locale. Les potentiels effets négatifs de l’immigration sur le taux de chômage sont contrebalancés par ses effets stabilisateurs sur la consommation et les investissements, en particulier dans le domaine de la construction.

Parallèlement, le SECO a publié un second rapport sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes pour l’année 2009. Ces mesures visent à lutter contre le dumping salarial et la sous-enchère des conditions de travail. Elles ont été introduites dès le 1er juin 2004, date à laquelle les contrôles préalables concernant la priorité aux travailleurs indigènes et sur les conditions de salaire et de travail ont pris fin (art. 10, al. 2, ALCP). Ces contrôles préalables peuvent encore être imposés jusqu’en 2011 à l’égard des ressortissants des 8 pays de l’Est ayant adhéré à l’Union européenne en 2004 (art. 10, al. 2a en relation avec l’al. 4a) et jusqu’en 2016 à l’égard des ressortissants roumains et bulgares (art. 10, al. 2b). Au titre des mesures d’accompagnement existantes, on peut mentionner la loi fédérale sur les travailleurs détachés, l’extension facilitée des conventions collectives de travail, l’établissement de commissions tripartites chargées de la surveillance du marché du travail ainsi que le renforcement des inspections du marché du travail. Le 24 février 2010, le Conseil fédéral présentait en outre un catalogue de mesures visant à éviter les abus dans le cadre de l’application de l’ALCP.

La décision du Conseil fédéral du 26 mai 2010 de renoncer à invoquer la clause de sauvegarde, ainsi que les rapports du SECO illustrent notamment que les craintes d’une immigration excessive de ressortissants de l’Union européenne en Suisse sont infondées et mettent en exergue les bénéfices économiques pour la Suisse de l’ALCP. Le bilan très positif de la libre circulation est en effet salué tant par le gouvernement que par les milieux économiques. Le récent rapport « Suisse-UE » publié par economiesuisse indique à cet égard que l’ALCP a permis d’augmenter le produit intérieur brut durablement d’au moins 4 à 5 milliards (1%). L’ALCP est essentiel pour l’économie et n’a pas engendré un chômage plus élevé.

Le dossier des relations Suisse-UE devrait s’enrichir de nombreuses actualités cet été. Outre l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2010, de la modification de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC), laquelle introduit de manière unilatérale le principe « Cassis de Dijon » en droit suisse (voir notre actualité n° 372 du 11 décembre 2006), la réponse du Conseil fédéral au postulat déposé le 10 juin 2009 par la députée Christa Markwalder est très attendue. Chargé d’évaluer, 4 ans après le « rapport Europe » de 2006, les avantages et inconvénients des divers instruments de politique européenne de la Suisse, le Conseil fédéral ne devrait toutefois pas rendre sa réponse avant que ne soit présentée la prise de position de la Conférence des gouvernements cantonaux sur le positionnement des cantons en matière de politique européenne. Après la publication du rapport d’economiesuisse, soulignant les avantages économiques de la voie bilatérale, un rapport plus général se positionnant également sur le plan politique, mesurant le poids de la non participation de la Suisse dans le processus législatif européen et évaluant les possibilités concrètes de poursuivre sur la voie bilatérale nonobstant la volonté affichée de l’Union européenne d’éviter la politique « à la carte » qu’affectionne la Suisse, serait le bienvenu.


Reproduction autorisée avec indication : Diane Grisel, "Actualités sur les relations bilatérales CH-UE", www.ceje.ch, actualité du 3 juin 2010.