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L’article 263, alinéa 4, du traité FUE et le droit à un recours juridictionnel effectif

Ljupcho Grozdanovski , 6 mai 2015

Dans l’arrêt T & L Sugars Ltd, rendu le 28 avril 2015 (Grande Chambre, aff. C-456/13 P), la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à se prononcer, en substance, sur l’interprétation des conditions de recevabilité énoncées à l’article 263, al. 4, du traité FUE à la lumière du droit à un recours juridictionnel effectif, garanti à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux.

Les requérantes sont des entreprises de raffinage de sucre de canne établies sur le territoire de l’Union européenne. En raison d’une pénurie sur le marché du sucre en 2011, la Commission européenne a adopté un règlement de base et une série de règlements d’exécution. Les requérantes ont saisi le Tribunal de l’Union d’un recours en annulation desdits règlements sur le fondement de l’article 263, al. 4, du traité FUE, en estimant que les actes litigieux sont des actes réglementaires qui les concernaient directement et qui ne comportaient pas de mesures d’exécution. Cependant, le Tribunal a rejeté le recours au motif que les conditions de recevabilité énoncées à l’article 263, al. 4, du traité FUE n’étaient pas été satisfaites.

Dans le pourvoi formé devant la Cour de justice, les requérantes ont demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal reprochant, entre autres, une interprétation erronée de la notion d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution. Elles ont, en outre, reproché au Tribunal une interprétation restrictive des conditions énoncées à l’article 263, al. 4, du traité FUE car il conviendrait, selon elles, d’interpréter ces conditions à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective, au sens de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux.

La Cour de justice a d’abord souligné que lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel est assuré suivant des modalités différentes, selon que de telles mesures émanent des institutions de l’Union européenne ou de celles des Etats membres. Lorsque la mise en œuvre d’un acte réglementaire appartient aux institutions, organes et organismes de l’Union, les personnes physiques et morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application, selon les conditions prévues à l’article 263, al. 4, du traité FUE. Lorsqu’en revanche, la mise en œuvre d’un acte réglementaire appartient aux autorités compétentes des Etats membres, les personnes physiques et morales peuvent faire valoir l’invalidité d’un tel acte devant les juridictions des Etats membres, lesquelles peuvent saisir la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle en appréciation de validité, au titre de l’article 267, al. 3, du traité FUE. La Cour a ensuite précisé qu’afin de déterminer si un acte comporte, ou non, des mesures d’exécution, il convient de s’attacher à la position de la personne agissant sur le fondement de l’article 263, al. 4, du traité FUE, sans qu’il soit pertinent d’examiner si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. Compte tenu de ces précisions et après l’examen des dispositions des actes litigieux, la Cour de justice a conclu que le Tribunal a jugé, à bon droit, que les requérantes ne pouvaient pas fonder leurs recours sur le fondement de l’article 263, al. 4, du traité FUE, dans la mesure où elles n’ont pas été directement affectées par lesdits actes.

En ce qui concerne, en revanche, l’interprétation de l’article 263 du traité FUE à la lumière de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice a souligné que les conditions de recevabilité du recours en annulation doivent certes être interprétées à la lumière du droit à un recours juridictionnel effectif, mais cette interprétation ne doit pas aboutir à écarter l’application desdites conditions. La Cour a rappelé que le renvoi en appréciation de validité constitue une modalité du contrôle de la légalité des actes pris par les institutions de l’Union européenne. Lorsqu’une juridiction d’un Etat membre estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour de justice sur le fondement de l’article 267 du traité FUE. Par conséquent, lorsque des requérants ordinaires ne satisfont pas aux conditions prévues à l’article 263, al. 4, du traité FUE, il incombe aux Etats membres de prévoir un système de voies de recours permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, en garantissant la possibilité réelle, pour des personnes physiques et morales, de soulever l’illégalité d’un acte de l’Union devant les juridictions nationales.


Ljupcho Grozdanovski «L’article 263, alinéa 4, du traité FUE et le droit à un recours juridictionnel effectif», www.ceje.ch, Actualité du 5 mai 2015