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La méconnaissance par le législateur de l’Union de la portée de la convention d’Aarhus

Anne Monpion , 11 juillet 2012

Le Tribunal de l’Union européenne, dans un arrêt du 14 juin 2012, Stichting Natuur en Milieu (T-338/08), a eu l’occasion de rendre une décision particulièrement intéressante concernant l’application aux institutions et aux organes de l’Union des dispositions de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

En l’espèce, deux fondations de droit néerlandais, ayant pour objet la protection de l’environnement et la lutte contre l’emploi de pesticides chimiques, ont demandé à la Commission européenne de réexaminer le règlement n°149/2008 (règlement « annexe ») qu’elle avait adopté pour ajouter des annexes fixant les limites maximales de résidus (LMR) des produits figurant à l’annexe I du règlement n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale (règlement « LMR »).

Ce réexamen était fondé sur l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

La Commission européenne a rejeté respectivement ces deux demandes dans deux décisions en indiquant que conformément au règlement précité, une demande de réexamen ne peut concerner qu’un « acte administratif » défini comme « toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l’environnement arrêté par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur ». Le règlement fixant les LMR étant applicable à tous les opérateurs du secteur de l’alimentation dans l’Union, les demandes de réexamen ont été déclarées irrecevables.

Les deux fondations ont attaqué les décisions devant le Tribunal, qui les a annulées aux termes d’un arrêt parfaitement motivé. A titre liminaire, il est intéressant de noter que le Tribunal a admis que le dépôt d’un mémoire complémentaire à la requête, avant l’expiration du délai de recours, est recevable.

Sur le fond, le Tribunal s’est rallié à l’argumentation de la Commission européenne concernant la nature du règlement « annexe » qui constitue une mesure de portée générale et non un acte individuel, puisque, au vu de son objet et de son contenu, il s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de la catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir les opérateurs économiques qui fabriquent, cultivent, importent ou produisent des produits couverts par les annexes du règlement « LMR », ainsi que les titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques qui contiennent des substances visées dans ces annexes.

Dès lors, il n’entre pas dans le champ d’application des actes pouvant être réexaminés en vertu du règlement n°1367/2006, qui ne vise que les actes administratifs définis comme toute mesure de portée individuelle.

Mais cette restriction aux seuls actes individuels est-elle véritablement conforme à la convention d’Aarhus ? Suivant les conclusions des requérantes qui ont soulevé l’exception d’illégalité à l’encontre du règlement n°1367/2006, le Tribunal a considéré, après un examen scrupuleux des dispositions en cause, et notamment en se référant au guide d’application de la convention d’Aarhus établi pour le Centre régional pour l’Environnement de l’Europe centrale et orientale, que la notion d’« acte » au sens de cette convention ne peut être interprétée comme se référant uniquement aux actes de portée individuelle.

Par conséquent, le Tribunal a accueilli l’exception d’illégalité dirigée contre le règlement n°1367/2006 mettant en œuvre la convention d’Aarhus au sein de l’Union et a donc annulé les deux décisions prises par la Commission.

Cet arrêt invite donc implicitement le Parlement européen et le Conseil de l’Union à remédier à cette inconventionnalité en modifiant le règlement n°1367/2006. Dans l’intervalle, la Commission européenne ne pourra qu’accéder aux demandes de réexamen interne portant sur des actes environnementaux à portée générale.


Reproduction autorisée avec l’indication: Monpion Anne, "La méconnaissance par le législateur de l'Union de la portée de la convention d'Aarhus", www.ceje.ch, actualité du 11 juillet 2012.