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Brevet unitaire européen: modalités de fonctionnement et avantages

Marine Stücklin , 18 mars 2013

Après près de 40 ans de négociations et alors que le projet du brevet européen à effet unitaire (ci-après : brevet unitaire) semblait enterré, le Parlement européen a approuvé le 11 décembre 2012 les propositions de compromis du Conseil de l’Union, dit le « paquet brevet de l’UE » qui comprend deux règlements, n° 1257/2012 relatif à la protection par brevet unitaire et n° 1260/2012 aux modalités applicables en matière de traduction ainsi qu’un accord quant à une juridiction unifiée du brevet. Tous les Etats membres de l’Union européenne, à l’exception de l’Espagne et de l’Italie, ont en effet adopté une coopération renforcée afin de créer une protection par brevet unitaire sur leurs territoires. Une bonne nouvelle pour les inventeurs au sein de l’Union européenne, qui vont voir les coûts relatifs à la brevetabilité de leurs inventions réduits de près de 80%.

Ces deux règlements, entrés en vigueur le 20 janvier 2013, ne seront applicables qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets, que les Etats membres participants ont par ailleurs signé en date du 19 février 2013, soit au 1er janvier 2014 ou après sa ratification par treize Etats contractants, à condition que parmi ceux-ci, figurent les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets sont déposés, soit l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

A l’heure actuelle, les inventions techniques peuvent être protégées en Europe, soit par des brevets nationaux, accordés par les autorités nationales compétentes, soit par des brevets européens, accordés de manière centrale par l’Office européen des Brevets (qui, rappelons-le, n’est pas une institution de l’Union européenne ; ci-après : OEB), après avoir été validé dans chacun des Etats membres à la Convention sur le brevet européen (ci-après : CBE) pour lesquels le titulaire du brevet souhaite obtenir une protection. A cette fin, la majorité des Etats exigent une traduction intégrale du brevet dans leur(s) langue(s) officielle(s), ce qui occasionne des coûts importants. Par ailleurs, il n’existe pas actuellement, de juridiction unique pour traiter les litiges, ce qui a pour conséquence un « tourisme judiciaire » (« forum shopping ») selon les différences d’interprétation, par les juridictions nationales, du droit européen des brevets harmonisé, le droit procédural et le montant des dommages et intérêts accordés.

A l’avenir, le brevet unitaire sera délivré par l’OEB au titre de la CBE. La procédure restera donc la même pour les brevets unitaires et les brevets européens jusqu’à la délivrance. La différence réside dans la phase « post-délivrance » au cours de laquelle le titulaire du brevet pourra décider de l’étendue de la couverture géographique souhaitée. Il pourra ainsi choisir une protection unitaire sur le territoire des 25 Etats membres participants à la coopération renforcée ou uniquement dans certains Etats membres de la CBE ou encore combiner les deux. Par conséquent, le brevet unitaire n’affectera pas le travail quotidien de l’OEB en matière de recherche, d’examen et de délivrance.

Ensuite, s’agissant des modalités de traduction du brevet unitaire, il a été décidé d’appliquer le régime linguistique de l’OEB selon lequel les demandes devront être faites en allemand, en anglais ou en français. Si elles sont introduites dans une autre langue, elles devront être accompagnées d’une traduction dans l’une de ces trois langues. Un système de compensation pour les coûts de traduction sera administré par l’OEB au profit des PME, des personnes physiques et des organisations publiques de recherche ayant leur domicile ou leur principal établissement dans un Etat membre.

Finalement, l’accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets répond aux problèmes précités en créant une juridiction du brevet spécialisée qui jouira d’une compétence exclusive pour régler les litiges liés aux brevets européens et aux brevets unitaires. Elle comprendra un tribunal de 1ère instance, dont le siège sera à Paris et dont deux sections se trouveront à Londres et Munich, une cour d’appel au Luxembourg ainsi qu’un greffe.

Le but de cette juridiction est d’assurer la pleine application et le respect du droit de l’Union européenne sur le territoire des Etats membres ainsi qu’une protection juridictionnelle des droits conférés aux particuliers. Par ailleurs, la juridiction unifiée devra coopérer avec la Cour de justice de l’Union européenne aux fins d’une interprétation correcte du droit de l’Union en s’appuyant sur sa jurisprudence et en saisissant celle-ci de demandes préjudicielles au titre de l’article 267 TFUE.

Les Etats membres ayant décidé de ne pas participer à la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, pourront néanmoins participer à cet accord pour ce qui concerne les brevets européens délivrés pour leur territoire respectif. Ainsi, l’Italie qui ne participe pas aux deux règlements entrés en vigueur le 20 janvier 2013, a néanmoins pu signer l’accord relatif à une juridiction unifiée des brevets.

Les avantages du brevet unitaire sont nombreux. En effet, grâce au système institué par l’Union européenne, toute personne physique, société ou organisation, qu’elle soit européenne ou non, aura la possibilité d’opter pour un brevet unitaire et ainsi obtenir une protection unitaire et immédiate, et par conséquent moins onéreuse, dans 25 Etats membres de l’Union grâce au dépôt d’une seule demande auprès de l’OEB à Munich.

Les avantages pour les inventeurs résideront dans une procédure de validation simplifiée et dans l’allégement des exigences en matière de traduction et de maintien en vigueur. Par ailleurs, la protection automatique du brevet unitaire réduira fortement les coûts des entreprises européennes. Selon la Commission européenne, un brevet européen pourrait coûter seulement EUR 4'725.- contre EUR 36'000.- actuellement.

Finalement, l’introduction d’une juridiction unifiée fera également baisser le coût des litiges en matière de brevets et renforcera la sécurité juridique. Il est certain que ce nouveau système contribuera à stimuler la compétitivité et l’innovation en Europe.


Reproduction autorisée avec l’indication: Marine Stücklin, "Le brevet unitaire européen: modalités du fonctionnement et avantages'", www.ceje.ch, actualité du 18 mars 2013.