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Définition de la notion d’handicap au sens de la directive 2000/78

Ljupcho Grozdanovski , 21 avril 2013

Dans son arrêt Chacón Navas de 2006 (aff. C-13/05), la Cour de justice a considéré qu’il y a lieu de distinguer les notions de maladie et d’handicap, au sens de la directive 2000/78 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, en définissant le handicap comme étant une entrave à la participation d’une personne à la vie professionnelle pendant une longue durée. Dans l’arrêt Ring et Werge, rendu le 11 avril 2013 (affs jtes C-335/11 et C-337/11), la Cour de justice a apporté d’importantes précisions à la définition de la notion d’handicap, compte tenu de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (ci-après la Convention de l’ONU), ratifiée par l’Union européenne en 2009, après que l’arrêt Navas a été rendu.

L’employée, dans l’affaire C-335/11, est salariée dans une société danoise, et a été licenciée pour motif d’absences prolongées de son poste de travail, en raison d’une maladie de la colonne dorsolombaire, dont il n’existe pas de traitement définitif. L’employée, dans l’affaire C-337/11, salariée à temps plein dans une société danoise, a été victime d’un accident de circulation, à la suite duquel, son temps de travail a été réduit. Toutefois, lors d’un examen médical faisant le constat d’une réduction de la capacité de travail de l’employée de 65%, celle-ci  a d’abord été mise en arrêt maladie à temps plein, et ensuite licenciée. HK Danemark, requérant dans l’affaire au principal, est un syndicat de travailleurs danois qui a représenté les intérêts des employées en question devant les juridictions nationales. Il a fait valoir que les mesures adoptées par les employeurs dans les deux affaires auraient dû résulter en une modification du temps de travail, et non en un licenciement, conformément aux dispositions de la directive 2000/78 relatives aux travailleurs frappés par un handicap. Les employeurs, en revanche, ont fait valoir qu’il n’y a pas lieu de relever un handicap dès lors que les degrés d’incapacité de travail dans les deux affaires équivalent à une impossibilité d’effectuer un travail à temps plein, et non à une incapacité totale de travail. Or, dans l’arrêt Navas, la Cour de justice a jugé que relève de la notion d’handicap toute limitation de la capacité de participer à la vie professionnelle dont il est probable qu’elle soit de longue durée.

Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et a posé quatre questions préjudicielles à la Cour de justice, invitant celle-ci à se prononcer, en substance, sur la question de savoir si la notion d’handicap, non définie dans la directive 2000/78, doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut les cas où, pour des raisons de santé, une personne a un empêchement total d’accomplir un travail, ou bien si ladite notion se limite aux cas où l’empêchement d’accomplir un travail est seulement limité, pendant une période qui sera probablement longue. Dans sa réponse, la Cour de justice a d’abord rappelé qu’au sens de la Convention de l’ONU, la notion d’handicap est considérée comme étant une notion évolutive, qui résulte d’une interaction entre des personnes présentant des incapacités et des barrières comportementales et environnementales, qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société, sur la base de l’égalité avec les autres membres de celle-ci (pt 37). Compte tenu de cette définition, ainsi que de l’arrêt Navas, la Cour de justice a considéré que lorsqu’une maladie curable ou incurable entraîne une limitation, résultant d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, qui peut faire obstacle à la participation pleine et effective d’une personne à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs, et lorsque cette limitation est de longue durée, une telle maladie peut être considérée comme relevant de la notion d’handicap, au sens de la directive 2000/78 (pt 41). Partant, la circonstance qu’une personne ne puisse accomplir son travail que de façon limitée, ne saurait faire obstacle à considérer cette personne comme étant handicapée.

La juridiction de renvoi a en outre demandé si la réduction du temps de travail des travailleurs handicapés doit être interprétée comme étant une mesure d’aménagement, dont l’adoption est prévue, mais dont le contenu n’est pas précisé, à l’article 5 de la directive 2000/78. La Cour de justice a considéré, sur ce point, qu’il ne relève ni de l’intention du législateur de l’Union, ni de la Convention de l’ONU, que les mesures d’aménagement aient une portée restreinte, dès lors qu’elles visent l’élimination des barrières entravant la participation pleine et effective des personnes handicapées dans la vie professionnelle (pt 54). Les aménagements doivent être raisonnables, en ce sens que leur adoption ne doit pas engendrer un coût disproportionné pour l’employeur. Or, le caractère raisonnable des mesures adoptées dans les affaires au principal relève de la compétence du juge national qui, compte tenu de la séparation des fonctions juridictionnelles au sens de l’article 267 du traité FUE, est compétent pour apprécier les éléments de droit national, ainsi que les éléments de fait. La Cour a toutefois précisé que la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale, comme celle dans les affaires au principal, qui prévoit la possibilité pour un employeur de licencier un travailleur handicapé dans un délai de préavis réduit, sans avoir pris des mesures d’aménagement raisonnables, au sens de ladite directive.


Reproduction autorisée avec l’indication: Ljupcho Grozdanovski, "Définition de la notion d'handicap au sens de la directive 2000/78", www.ceje.ch, actualité du 21 avril 2013