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Arrêt Akzo Nobel : refus d’étendre l’application de la confidentialité des communications entre avocats aux juristes d’entreprises

Pranvera Këllezi , 2 décembre 2010

Le 14 septembre 2010, la Cour réunie en grande chambre s’est prononcée clairement contre l’extension du privilège lié à la confidentialité des communications  des entreprises avec leurs conseils externes (le « legal priviledge ») aux avocats employés au sein de leurs services juridiques (arrêt C-550/07 P).

Au cours d’une vérification des locaux de Akzo Nobel et Akros Chemicals par la Commission, les fonctionnaires de celle-ci ont refusé d’isoler deux courriels électroniques échangés entre le directeur général  de Akros et un membre de son service juridique, qui était inscrit comme avocat au barreau néerlandais. Le droit néerlandais reconnait par ailleurs le droit à la confidentialité des communications aux avocats employés par une entreprise inscrite au barreau. De plus, le contrat de travail prévoyait que Akros devait respecter l’exercice indépendant des fonctions d’avocat.

La portée de la protection de la confidentialité des communications au niveau européen a été définie dans l’arrêt AM & S Europe (affaire 155/79), qui prévoit deux conditions cumulatives : l’échange avec l’avocat doit être lié à l’exercice du droit de la défense du client, et cet échange doit émaner d’un avocat indépendant non lié au client par un rapport de travail.

Cette seconde condition était au centre de l’arrêt de la Cour. Celle-ci rappelle que l’exigence relative à la qualité d’avocat indépendant est liée à la conception du rôle d’avocat considéré comme collaborateur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin. La Cour en déduit l’exigence de l’absence de tout rapport d’emploi entre l’avocat et son client, ce qui a pour conséquence que la protection de la confidentialité ne s’étend pas aux échanges au sein d’une entreprise avec des avocats internes ou des juristes d’entreprises. Elle relève qu’il est plus difficile pour un avocat interne de remédier à d’éventuelles tensions entre les obligations professionnelles et les objectifs poursuivis par son client, en particulier les relations de travail ne permettent pas à l’avocat interne de s’écarter des stratégies commerciales poursuivies par son employeur.

A notre avis, une telle conception du rôle de l’avocat ne prend pas en compte les besoins des entreprises d’avoir recours à des professionnels compétents qui connaissent bien l’environnement commercial dans lequel celles-ci évoluent. Les entreprises doivent pouvoir engager des avocats qualifiés à l’interne sans devoir renoncer à la protection offerte par la confidentialité des communications (le « legal priviledge »). Le conseil d’un avocat externe est souvent complémentaire à celui d’un avocat interne, et les entreprises doivent pouvoir utiliser l’expertise  de tout conseil indépendamment de la relation qu’elles entretiennent avec celui-ci. De plus, il ne s’agit pas ici de préjuger la qualité du conseil des avocats internes ou externes, mais de reconnaitre la nécessité pour les entreprises de détecter, prévenir et de corriger toute violation du droit de la concurrence afin de mettre leur comportement en conformité avec celui-ci. La confidentialité des communications entre avocats internes et leurs collègues constitue une condition préalable et nécessaire pour sauvegarder les droits de la défense des entreprises.

Les entreprises doivent tirer plusieurs conséquences dudit arrêt de la Cour. Les conseils des juristes d’entreprise sur des points sensibles doivent avoir lieu de préférence oralement. Chaque demande aux avocats externes doit être préparée soigneusement et doit clairement indiquer qu’elle a été rédigée en vue de l’obtention de conseils à un avocat externe et, le cas échéant, doit être jointe à cette réponse. Lors de la communication avec des avocats externes toutes les notes doivent indiquer clairement la mention « legal priviledge » et doivent être gardées dans un dossier à part. Au moment d’une investigation de la part des autorités de la concurrence, ces dossiers doivent être identifiés et mis à l’écart. Enfin, il est préférable de demander des conseils écrits à des avocats externes et de les inviter dans des réunions sensibles pour pouvoir protéger les communications et les procès-verbaux des réunions par la confidentialité des communications entre l’avocat et l’entreprise.


Reproduction autorisée avec l’indication: Kellezi Pranvera, "Arrêt Akzo Nobel : refus d’étendre l’application de la confidentialité des communications entre avocats aux juristes d’entreprises", www.ceje.ch, actualité du 2 décembre 2010.