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Limites à la reconnaissance mutuelle des permis de conduire dans l’Union européenne

Elisabet Ruiz Cairó , 10 mai 2021

Dans son arrêt du 29 avril 2021 dans l’affaire C-47/20 Stadt Karlsruhe, la Cour de justice de l’Union européenne précise les limites du principe de reconnaissance mutuelle prévu dans la directive 2006/126 relative au permis de conduire.

F. est un ressortissant allemand résidant en Espagne. Un permis de conduire lui a été délivré par les autorités espagnoles en 1992. Après avoir circulé en état d’ivresse lors d’un séjour temporaire en Allemagne en 2008, F. a été déchu du droit de conduire sur le territoire de cet État membre. En 2009, les autorités espagnoles ont renouvelé son permis de conduire. F. souhaite faire reconnaître la validité de son permis de conduire renouvelé en Allemagne, mais les autorités allemandes rejettent cette demande. F. estime que l’absence de reconnaissance de son permis de conduire est contraire à la directive 2006/126/CE.

La directive 2006/126 vise à améliorer la sécurité routière tout en facilitant la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne. Elle établit des conditions minimales de délivrance d’un permis de conduire au sein de l’Union (art. 7 § 1) et prévoit la reconnaissance mutuelle, sans aucune formalité, des permis de conduire délivrés par les autres États membres (art. 2 § 1).

La Cour de justice a reconnu des limites au principe de la reconnaissance mutuelle des permis de conduire. Dans l’arrêt Aykul de 2015, elle a admis qu’un État membre peut refuser de reconnaître la validité d’un permis de conduire en raison d’un comportement infractionnel de son titulaire survenu après la délivrance du permis. Un tel refus doit être conforme au principe de proportionnalité et ne doit pas signifier une opposition indéfinie à la reconnaissance du permis de conduire.

Les faits dans l’affaire au principal diffèrent toutefois de l’affaire Aykul. Le comportement infractionnel de F. a eu lieu avant le renouvellement du permis. La question est donc de savoir si le renouvellement ultérieur par les autorités espagnoles signifie que ces dernières ont vérifié les aptitudes de F. à la conduite, ce qui imposerait la reconnaissance du permis par les autorités allemandes. La Cour établit une distinction claire entre la délivrance d’un permis de conduire et son simple renouvellement. La délivrance des permis de conduire est soumise à des règles harmonisées relatives au contrôle des aptitudes physiques et mentales à la conduite (art. 7 § 1 de la directive 2006/126/CE). En revanche, le renouvellement des permis de conduire n’exige que l’existence d’une résidence normale sur le territoire de l’État membre de délivrance. Les États membres peuvent subordonner le renouvellement à un contrôle des aptitudes physiques et mentales à la conduite mais ce n’est pas une obligation (art. 7 § 3 de la directive 2006/126). Les conditions exigées pour le renouvellement d’un permis de conduire diffèrent entre États membres. Dès lors, l’obligation de reconnaissance mutuelle ne peut être imposée qu’à la délivrance des permis de conduire mais pas à leur renouvellement Le refus de reconnaissance mutuelle admis par la Cour dans cet arrêt est néanmoins soumis au principe de proportionnalité et ne doit donc pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurité routière poursuivi par la directive.

Si la directive 2006/126 vise à faciliter la libre circulation des personnes, l’arrêt Stadt Karlsruhe précise que le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire n’est exigible que lorsque des conditions minimales harmonisées ont été adoptées au sein de l’Union européenne.

Elisabet Ruiz Cairó, Limites à la reconnaissance mutuelle des permis de conduire dans l’Union européenne, actualité du CEJE n° 16/2021, disponible sur www.ceje.ch