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Allocation familiale pour l’enfant du conjoint d’un travailleur frontalier sans lien de filiation avec celui-ci et droit de l’Union européenne

Vincenzo Elia , 6 avril 2020

Avec l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (aff. C-802/18), du 2 avril 2020, la Cour de justice de l’Union européenne  a interprété l’article  45 TFUE et l’article  2, point 2, de la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, ainsi que de l’article 7, paragraphe  2, du règlement 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union.

Le litige au principal opposant la Caisse pour l’avenir des enfants (Luxembourg) (ci-après la « CAE ») à FV, travailleur frontalier, et à GW, son épouse, au sujet du refus de cette caisse d’octroyer des allocations familiales pour l’enfant issu du premier mariage de GW, cet enfant ne présentant pas de lien de filiation avec FV.

FV travaille au Luxembourg et réside en France avec son épouse ainsi que leurs trois enfants, dont l’un, HY, est né d’une précédente union de GW. Cette dernière exerce l’autorité parentale exclusive sur HY. Jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juillet 2016, le ménage bénéficiait des allocations familiales pour les trois enfants, en raison de la qualité de travailleur frontalier de FV.

A compter de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi luxembourgeoise, les enfants du conjoint ou du partenaire ont été exclus de la notion de « membres de la famille » définie par le code de la sécurité sociale luxembourgeois. Le ménage a ainsi cessé de bénéficier des allocations familiales pour HY sur décision de la CAE. 

La juridiction de renvoi a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice afin de savoir si une allocation familiale liée à l’exercice, par un travailleur frontalier, d’une activité salariée dans un Etat membre constitue un avantage social, au sens du règlement sur la libre circulation des travailleurs. En outre, elle a demandé à la Cour de justice de clarifier si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un Etat membre prévoie que les travailleurs frontaliers ne peuvent percevoir une allocation familiale liée à l’exercice d’une activité salariée que pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation, alors que le droit de percevoir cette allocation existe pour tous les enfants résidant dans cet Etat membre.

La Cour de justice rappelle tout d’abord que la notion d’« avantage social » dans le cas des travailleurs ressortissants d’autres Etats membres comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national. En outre, l’allocation familiale en cause n’a été initialement accordée à FV que dans la mesure où il était un travailleur frontalier soumis à la législation luxembourgeoise. Partant, une allocation familiale liée à l’exercice, par un travailleur frontalier, d’une activité salariée dans un Etat membre constitue un avantage social.

Par ailleurs, la Cour de justice rappelle que les membres de la famille d’un travailleur migrant sont des bénéficiaires indirects de l’égalité de traitement accordée, en ce qui concerne les avantages sociaux, à ce travailleur par le règlement sur la libre circulation des travailleurs. En outre, il y a lieu d’entendre par enfant d’un travailleur frontalier, pouvant bénéficier indirectement de ces avantages sociaux, non seulement l’enfant qui a un lien de filiation avec ce travailleur, mais également l’enfant du conjoint ou du partenaire enregistré de celui-ci, lorsque ce dernier pourvoit à l’entretien de cet enfant.

La législation nationale prévoit que tous les enfants résidant au Luxembourg peuvent prétendre à l’allocation familiale. En revanche, les travailleurs non-résidents ne peuvent y prétendre que pour leurs propres enfants, à l’exclusion des enfants de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation. Une telle distinction fondée sur la résidence constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à la condition d’être objectivement justifiée, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire au principal.

Enfin, bien que les Etats membres soient compétents pour déterminer les personnes ayant droit aux prestations familiales, ils doivent en tous les cas respecter le droit de l’Union. Ainsi, dans le domaine spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, le principe d’égalité de traitement s’oppose à des dispositions d’un Etat membre en vertu desquelles les travailleurs non-résidents peuvent percevoir une allocation familiale seulement pour leurs propres enfants, à l’exclusion de ceux de leur conjoint avec lesquels ils n’ont pas de lien de filiation.

Vincenzo ELIA, Allocation familiale pour l’enfant du conjoint d’un travailleur frontalier sans lien de filiation avec celui-ci et droit de l’Union européenne, actualité du CEJE n° 14/2020, disponible sur www.ceje.ch