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L’obtention du statut de résident de longue durée dans un État membre de l’UE

Maddalen Martin-Arteche , 9 octobre 2019

Dans son arrêt du 3 octobre 2019 la Cour de justice de l’Union européenne a interprété  l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (la directive, ci-après).

La juridiction de renvoi demande si cette disposition doit être interprété en ce sens que la notion de « ressources » qu’elle vise concerne uniquement les « ressources propres » du demandeur du statut de résident de longue durée ou si cette notion couvre également les ressources mises à disposition de ce demandeur par un tiers. En second lieu, la juridiction de renvoi demande si, le cas échéant, un engagement de prise en charge souscrit par ce tiers suffit pour prouver que ledit demandeur dispose de ressources « stables, régulières et suffisantes », au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive.

La Cour de justice considère que la notion de « ressources » visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive ne concerne pas uniquement les « ressources propres » du demandeur du statut de résident de longue durée, mais peut également couvrir les ressources mises à disposition de ce demandeur par un tiers. Néanmoins, les ressources provenant d’un tiers doivent pouvoir être considérées comme « stables, régulières et suffisantes », ce qui requiert une certaine permanence et une certaine continuité dans le temps (voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour du 21 avril 2016, Khachab, dans l’affaire C-558/14).

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour effectue une interprétation téléologique et analogique de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive.

Premièrement, la Cour souligne que l’objectif fondamental de la directive est de parvenir à l’intégration des ressortissants de pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres. Une telle intégration aboutirait, selon la Cour, au rapprochement du statut juridique de ces ressortissants au statut des ressortissants des États membres. Par ailleurs, la directive cherche à préserver le système d’aide social de l’État membre concerné.

Deuxièmement, la Cour souligne que la directive exige des ressortissants de pays tiers souhaitant obtenir le statut de résident de longue durée uniquement des ressources financières stables, régulières et suffisantes. La Cour établit qu’une interprétation de la notion de « ressources » limitée aux « ressources propres » poserait des conditions supplémentaires relatives à la provenance de ces « ressources », ce qui irait à l‘encontre du telos de la directive.

La Cour va en outre faire un parallélisme entre l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive et l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (ci-après, la directive 2004/38).  

C’est-à-dire, elle considère que la notion de « ressources » visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/109 doit être interprétée de manière analogue à celle de l’article 7, paragraphe 1, sous b, de la directive 2004/38.

Dans l’arrêt Singh (affaire C-218/14), la Cour de justice avait considéré qu’une exigence telle que la provenance des ressources pour qu’un citoyen de l’UE puisse séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois ajouterait une condition additionnelle aux exigences visées à la directive 2004/38, ce qui serait contraire au but poursuivi par l’article 7, paragraphe 1, sous a), de cette directive (liberté de circulation et de séjour garanti à l’article 21 TFUE).

La Cour reconnait à l’État membre une marge de manœuvre large lorsqu’il évalue si le demandeur du statut de résident de longue durée satisfait les conditions requises par l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive. Elle mentionne certains éléments que l’État membre concerné pourrait utiliser dans l’analyse du cas individuel, tel que le caractère juridiquement contraignant d’un engagement de prise en charge par un tiers ou un membre de la famille du demandeur, ou, encore, le lien entre le demandeur et le tiers prêt à le prendre en charge.

La Cour de justice refuse d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive d’une manière à limiter le droit des ressortissants de pays tiers à obtenir le statut de résident de longue durée dans un État membre en ajoutant une condition autre que celles envisagées par la directive.

Cela étant, il incombe aux États membres de déterminer le caractère stable, régulier et suffisant des ressources financières dont le demandeur du statut de résident de longue durée doit disposer au moment de soumettre sa demande. Si un demandeur désire faire valoir un engagement de prise de charge d’un tiers, l’État membre concerné devrait appliquer les normes nationales afin de déterminer la validité de la forme concrète de cet engagement, lesquelles varieront d’un État membre à l’autre. En conséquence, le traitement octroyé à la demande d’un ressortissant d’un pays tiers dépendra de l’application du droit national en cause.


Maddalen Martin, "L’obtention du statut de résident de longue durée dans un État membre de l’UE", Actualité du 9 octobre 2019, disponible sur www.ceje.ch.