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ALCP : le Tribunal fédéral clarifie sa jurisprudence relative au droit au regroupement familial dont la personne de référence est binationale

David Trajilovic , 3 mai 2017

Dans un arrêt rendu en janvier 2017, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de clarifier sa jurisprudence en matière d’applicabilité de l’ALCP à l’égard de ressortissants étrangers demandant le droit au regroupement familial au motif que la personne de référence était titulaire de la double nationalité suisse et d’un Etat partie à l’ALCP. Il s’agissait d’une femme, ressortissante équatorienne, qui avait déposé une demande d’autorisation de séjour en invoquant un droit au regroupement familial avec sa belle-fille, ressortissante franco-suisse, en vertu de l’article 3, annexe 1, ALCP. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) avait refusé d’approuver l’octroi d’une autorisation de séjour à l’intéressée au motif que sa belle-fille n’avait jamais fait usage de son droit à la libre circulation, de sorte que l’ALCP n’était pas applicable.

La question à résoudre était celle de savoir si la belle-mère, ressortissante équatorienne, pouvait se prévaloir de l’ALCP afin de tirer un droit au regroupement familial avec sa belle-fille, sachant que, celle-ci qui était à la base du regroupement familial, possédait la double nationalité suisse et française. Dans sa jurisprudence antérieure, le Tribunal fédéral avait admis l’applicabilité de l’ALCP à l’égard des ressortissants étrangers demandant le droit au regroupement familial en raison que la personne de référence avait la double nationalité suisse et d’un Etat partie à l’ALCP. Toutefois, il n’avait jamais examiné la question de savoir si les doubles nationaux avaient ou non fait usage de leur droit à la libre circulation.

C’est à l’occasion de cet arrêt que le Tribunal fédéral a procédé à l’examen de la question de l’usage ou non du droit à la libre circulation de la personne de référence. Tout d’abord, il a rappelé que le cas d’espèce soulevait des notions de droit de l’Union européenne, et qu’il y avait donc lieu de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la libre circulation des personnes conformément à l’article 16, alinéa 2, ALCP.

Le Tribunal fédéral s’est ainsi référé, en premier lieu, à l’arrêt McCarthy. Dans cette affaire, la Cour de justice avait jugé que le mari de Mme McCarthy, ressortissant jamaïcain, ne pouvait pas prétendre à un droit au regroupement familial en invoquant la nationalité irlandaise de sa femme, en raison que celle-ci avait toujours séjourné au Royaume-Uni et n’avait jamais vécu en Irlande, de telle sorte qu’elle n’avait jamais fait usage de son droit à la libre circulation. De cet arrêt, la Cour de justice avait tiré la conclusion selon laquelle le binational qui se trouvait dans une situation purement interne ne pouvait pas se prévaloir du droit à la libre circulation.

Le Tribunal fédéral a, en second lieu, mentionné  un autre arrêt de la Cour de justice qui pouvait également influencer l’issue de la présente affaire. Dans cet arrêt de 2014, la Cour de justice avait dû analyser les conditions d’octroi d’un droit de séjour dérivé pour un ressortissant d’un Etat tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, dont ce dernier avait séjourné dans un Etat membre dont il n’était pas ressortissant avant de retourner dans l’Etat membre dont il était ressortissant. C’est à cette occasion que la Cour de justice avait tiré de l’article 21, paragraphe 1, du traité FUE, un effet utile exigeant que le citoyen de l’Union qui avait mené une vie de famille dans l’Etat d’accueil puisse la poursuivre dans l’Etat dont il était ressortissant. De cette constatation, la Cour de justice avait admis un droit de séjour dérivé pour le membre de la famille du citoyen de l’Union afin que la vie de famille puisse se poursuivre dans l’Etat où le citoyen de l’Union désirait s’installer.

Sur la base de ces deux arrêts de la Cour de justice, le Tribunal fédéral a déduit que, pour pouvoir bénéficier d’un droit de séjour dérivé selon l’ALCP, le ressortissant d’un Etat tiers devait avoir créé une vie de famille avec la personne de référence, ou à tout le moins l’avoir consolidée dans l’Etat d’accueil, avant le retour de celle-ci dans l’Etat dont elle était ressortissante. A défaut, il s’agissait d’une situation purement interne qui rendait l’ALCP inapplicable. En l’occurrence, la belle-mère, ressortissante équatorienne, ne pouvait pas se prévaloir d’un droit de séjour dérivé en vertu de l’ALCP, car sa belle-fille était déjà en Suisse lorsqu’elle s’était mariée avec le fils de la première. Les liens familiaux (belle-fille et belle-mère) avaient donc été établis après l’entrée de la belle-fille en Suisse. En conclusion, le Tribunal fédéral a jugé que la situation du cas d’espèce relevait d’une situation purement interne, il n’y avait donc pas lieu d’appliquer l’ALCP.

 

David Trajilovic, «ALCP: le Tribunal fédéral clarifie sa jurisprudence relative au droit au regroupement familial dont la personne de référence est binationale», actualité du 3 mai 2017, disponible sur www.ceje.ch