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Liberté de religion et statut de réfugié

Mihaela Nicola , 13 septembre 2012

La directive 2004/83 vise à établir un régime d'asile européen commun par le rapprochement des règles des Etats membres en vue de l’octroi d’une protection internationale minimale aux bénéficiaires du statut de réfugiés. Se fondant sur les dispositions de la convention de Genève, ladite directive subordonne la reconnaissance d’un tel statut à la condition de l’existence dans le chef de l’intéressé d’une crainte justifiée de persécution dans son Etat d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social (article 2 de la directive). 

Y et Z sont des ressortissants pakistanais appartenant à la communauté musulmane ahmadiyya. Tous deux ont déclaré avoir quitté leur pays en raison des actes de persécution auxquels ils ont été soumis en raison de leur conviction religieuse et ont demandé un droit d’asile en Allemagne. Le Bundesamt a rejeté leurs demandes d’asile comme non fondées et les a déclarés passibles d’expulsion vers le Pakistan. Les décisions de celui-ci ont été ensuite infirmées par la juridiction allemande d’appel, qui a conclu à l’existence d’un risque de persécution collective à l’égard des requérants, au sens de l’article 60, paragraphe 1, de la loi nationale sur les étrangers. Saisie d’un recours en révision introduit par le Bundesamt à l’encontre desdits arrêts, la Cour administrative allemande a interrogé la Cour de justice sur les conditions de reconnaissance du statut de réfugié prévues dans la directive 2004/38, notamment aux articles 2 et 9 de celle-ci (aff. jtes C-71/11 et C-99/11).

La Cour examine, tout d'abord, la question de savoir dans quelle mesure une atteinte à la liberté de religion, contraire à l’article 9 de la CEDH, peut être qualifiée d’« acte de persécution » au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83. A cet égard, la Cour de justice précise que la seule circonstance que la personne concernée soit affectée par des atteintes au droit de religion garanti par l’article 9 de la CEDH et par l’article 10, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne saurait avoir comme conséquence automatique que celle-ci bénéficie de la protection internationale découlant du statut de réfugié. Il ressort de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/38 que les actes constitutifs d’une atteinte à la liberté de religion doivent représenter une « violation grave » de ladite liberté pour pouvoir être considérés comme une persécution, au sens de ladite disposition.

Pour pouvoir retenir l’existence d’une persécution, il n’est pas utile de distinguer entre les actes qui porteraient atteinte à un « noyau dur » du droit à la liberté de religion, à savoir la liberté du requérant de pratiquer sa croyance dans un cercle privé, et ceux qui sanctionneraient uniquement l’exercice d’activités religieuses en public. Selon la Cour de justice, cette distinction n’est pas compatible avec la définition large de la notion de religion contenue à l’article 10, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/83, de sorte que les limitations imposées à la manifestation en public de ladite liberté peuvent constituer des actes de persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la même directive. Partant, il reste nécessaire d’examiner si le requérant d’asile, en raison de l’exercice de sa liberté de religion dans son Etat d’origine court un risque réel, notamment, d’être poursuivi ou d’être soumis à des traitements ou à des peines inhumaines ou dégradantes émanant de l’un des acteurs visés à l’article 6 de la directive 2004/83. Dans l’appréciation de la gravité d’un tel risque, la Cour de justice souligne que l’argument selon lequel le requérant pourrait éviter de s’exposer à une persécution dans son pays d’origine en renonçant à y exercer certains actes religieux n’est pas pertinent.

Cet arrêt témoigne d’une philosophie de protection du statut de réfugié découlant de la directive 2004/83 et de sauvegarde des compétences des Etats membres dans la lutte contre l’immigration clandestine croissante.      


Reproduction autorisée avec l’indication: Mihaela Nicola, « Liberté de religion et statut de réfugié », www.ceje.ch, actualité du 13 septembre 2012.