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La protection sociale des travailleurs issus de pays tiers

Alexandra Ferentinou , 20 septembre 2021

La protection sociale des travailleurs issus de pays tiers

Dans l’affaire INPS (C-350/20), la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préjudicielle portant sur le droit d’accès aux prestations sociales des travailleurs issus de pays tiers.

Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant des ressortissants de pays tiers, titulaires d’un permis unique de travail, à l’Istituto Nazionale della Previdenza Sociale (Institut national de prévoyance sociale, Italie) au sujet du refus d’accorder à ceux-ci le bénéfice d’une allocation de naissance et d’une allocation de maternité.

Le droit d’accès aux prestations sociales et aux avantages sociaux est garanti par l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cet article dispose notamment que « toute personne qui réside et se déplace légalement à l’intérieur de l’Union a droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux, conformément au droit de l’Union et aux législations et aux pratiques nationales ».

L’article 34, contrairement à d’autres dispositions de la Charte, n’a pas fait l’objet d’un contentieux particulièrement développé. Il existe en effet des difficultés liées à la détermination de ses effets. Il n’est pas certain que cet article confère aux particuliers des droits subjectifs invocables en tant que tels. Certains auteurs ont pu ainsi se demander ce que peut apporter cette disposition en matière de protection sociale[1] ou encore constater que « as a free standing provision, article 34 offers little »[2].

En l’occurrence, la Cour de justice a considéré que l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte est « concrétisé » par des dispositions d’une directive européenne. Elle a en particulier jugé que « l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98 concrétise le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale prévu à l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte » (point 46).

L’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98, prévoit que les travailleurs issus de pays tiers visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de cette directive bénéficient de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre où ils résident en ce qui concerne les branches de la sécurité sociale, telles qu’elles sont définies dans le règlement n° 883/2004. La Cour de justice en a ainsi déduit que « lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application d’une directive qui concrétise un droit fondamental prévu par la Charte, les États membres doivent agir dans le respect de cette directive » (point 47).

Faut-il en déduire que, faute d’un « acte de concrétisation », l’article 34 ne pourra pas servir de norme de contrôle ? En l’absence de « concrétisation » par des dispositions du droit de l’Union européenne, cet article ne pourra-t-il pas être invoqué à l’encontre des mesures qui y portent atteinte ? La question reste ouverte puisqu’en l’espèce, la Cour de justice a soigneusement évité de qualifier de « principe » le droit aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux garanti par l’article 34 de la Charte. Au contraire, elle le qualifie de « droit fondamental prévu par la Charte ».

La question de la nature juridique de l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte reste par conséquent ouverte. On doit cependant remarquer que l’application combinée de l’article 34 de la Charte et de l’article 12 de la directive 2011/98 assure une protection sociale renforcée des travailleurs issus de pays tiers. En l’occurrence, la Cour de justice a jugé que l’article 12 de la directive 2011/98, qui concrétise l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte, s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants de pays tiers visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2011/98 du bénéfice d’une allocation de naissance et d’une allocation de maternité. L’objectif de renforcement de la protection sociale des individus poursuivi par l’article 34 de la Charte a été ainsi atteint.

Alexandra Ferentinou, La protection sociale des travailleurs issus de pays tiers, actualité du CEJE n° 31/2021, disponible sur www.ceje.ch

Catégorie : Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

 

 



[1] Dumont, D., « Article 34. - Sécurité sociale et aide sociale » in Picod, F. et al. (dir.), Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 2e édition, Bruxelles, Bruylant, 2019, p. 845.

[2] White R., « Article 34 », in Peers S. et al. (dir.), The EU Charter of Fundamental Rights. A Commentary, Oxford/Baden-Baden, Hart Publishing/Nomos, 2014, p. 927.