Dans une affaire portant sur la coordination de la position prise par les Etats membres dans les organisations internationales, l’Avocat général Cruz Vilallón a rendu des conclusions dans lesquelles il examine la base juridique appropriée pour permettre au Conseil de l’Union européenne de prendre des décisions définissant la position à adopter au nom de l’Union européenne.
Un certain nombre d’Etats membres de l’Union sont membres de l’organisation internationale de la vigne et du vin (OIV). L’Union européenne n’est pas membre, bien que l’accord OIV permette l’adhésion d’organisations internationales. En septembre 2008, la Commission avait recommandé au Conseil d’autoriser l’ouverture de négociations en vue de l’adhésion de l’Union européenne à l’OIV mais l’habilitation n’avait pas été délivrée, la majorité nécessaire au sein du Conseil n’ayant pas pu être réunie.
Afin d’assurer une action coordonnée au sein de l’OIV, le Conseil a adopté, le 18 juin 2012, une décision établissant la position à adopter au nom de l’Union européenne concernant des propositions de résolutions devant être débattues et votées à l’OIV le 22 juin 2012. La décision, ayant pour base juridique les articles 218, paragraphe 9, et 43, TFUE, a été adoptée au terme d’un vote à la majorité qualifiée, au cours duquel l’Allemagne a voté contre l’adoption. Suite à cela, elle a déposé un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne, fondant son recours sur un moyen unique, le fait que le Conseil n’aurait pas dû fonder sa décision sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE en tant que base juridique procédurale. Ce paragraphe prévoit que le Conseil adopte sur proposition de la Commission ou du Haut représentant, les décisions “établissant les positions à prendre au nom de l'Union dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques”.
L’Allemagne conteste l’applicabilité de cet article au moyen de deux arguments de fond. Le premier est qu’il ne s’appliquerait qu’aux accords auxquels l’Union européenne est partie, et le second est que l’OIV n’adoptant que des recommandations, les actes adoptés en son sein ne peuvent être qualifiés comme ayant un effet juridique en droit international public. Le Conseil, quant à lui, considère que l’article 218, paragraphe 9, TFUE est applicable car les résolutions relèveraient d’un domaine de compétence exclusive de l’Union européenne, ce qui obligerait à définir une position commune pour la participation des Etats membres à des organisations internationales auxquelles l’Union n’est pas partie. De plus, le Conseil défend l’existence d’un effet juridique des résolutions de l’OIV en mettant en avant l’intégration de ces résolutions en droit de l’Union européenne.
Au terme de son analyse, l’Avocat général détermine qu’à la fois le libellé et l’économie de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, ainsi que son interprétation téléologique conduisent à la conclusion qu’il ne s’applique qu’aux accords auxquels l’Union européenne est elle-même partie. En suivant le même procédé, il conclut également qu’il ne s’applique qu’aux actes qui ont un caractère contraignant en droit international. Ces deux critères ne sont pas remplis en l’espèce.
L’Avocat général poursuit son analyse en considérant l’argument avancé par le Conseil soutenu par la Commission, selon lequel l’article 218, paragraphe 9, TFUE pourrait être applicable par analogie au cas d’espèce. Il considère cet argument irrecevable car les faits d’espèce montrent que l’Union européenne a la possibilité d’adhérer à l’OIV. Il souligne en outre qu’un tel raisonnement par analogie entraînerait une interprétation beaucoup trop large de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, laquelle conduirait, selon lui, à un retour à l’article 116 TCEEqui avait un champ d’application beaucoup plus large. Cet article a depuis été abrogé sans être remplacé, une telle interprétation irait ainsi à l’encontre de la volonté des auteurs des traités.
L’Avocat général conclut donc à l’annulation de la décision, sans qu’il soit nécessaire de limiter ses effets dans le temps, les résolutions ayant été adoptées à l’OIV en 2012, ce qui entraîne l’absence de risque pour la sécurité juridique.
Edouard Verté, « Proposition de clarification des rapports entre l’Union européenne et les États membres dans la participation à l’organisation internationale de la vigne et du vin », www.unige.ch/ceje, Actualité du 5 mai 2014.